dimanche 9 mars 2014

Comment Google voit notre avenir

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par
Image Think, dessin en direct à South by Southwest, Dallas Texas 2014.
« The New Digital Age » : ou comment les nouvelles technologies affectent l'avenir des hommes. Derrière ce vaste intitulé, celui d'une des premières grandes conférences du festival « South by Southwest » (SXSW), consacré aux nouvelles technologies à Austin (Texas), se cache également le titre d'un livre publié en avril 2013 et signé par les deux participants : Eric Schmidt, PDG de Google entre 2001 et 2011, et Jared Cohen.

Cohen fait partie de ces membres influents de Google qui sillonnent le globe pour rencontrer diplomates et gouvernements. Il est présent dans le classement 2013 du magazine Time des 100 personnes les plus influentes, en tant que directeur de Google Ideas, un think tank dont les équipes travaillent à « rendre le monde meilleur grâce à la technologie ». Leur discussion publique, vendredi 7 mars, a d'emblée évoqué plusieurs questions d'actualité, devant une salle comble.

Dans la salle de conférence du festival "South by Southwest" à Austin, le 7 mars.
« En Ukraine, le gouvernement s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas faire taire l'opposition. (...) Au Venezuela, l'opposition était muselée sous Hugo Chavez. Ce n'est plus possible aujourd'hui », a résumé Jared Cohen, en évoquant la manière dont les derniers mouvements de contestation dans ces deux pays se sont appuyés sur les réseaux sociaux.
La discussion est partie du constat que la connectivité est désormais omniprésente. « Entre 3 et 4 milliards de personnes sont connectées à Internet, avec leur smartphone. Les bénéfices, en termes d'accès et de diffusion des connaissances, sont incroyables, s'est enthousiasmé Eric Schmidt. Comme nous l'avons écrit dans notre livre, les révolutions vont être plus faciles à mettre en place. Mais elles seront aussi plus difficiles à terminer. »

« NOUS AVONS ÉTÉ ATTAQUÉS PAR LA NSA »
La plus grande partie du discours a tourné autour des dangers potentiels de l'utilisation, et des données générées, par les connexions incessantes de ces milliards de personnes à des milliers de services en ligne.
« Lorsque j'ai voyagé en Syrie, j'ai assisté à des attaques chimiques, raconte Jared Cohen.  Mais j'ai également été témoin de situations où des activistes se faisaient tuer pour avoir posté des messages sur leurs murs [Facebook ou Google+]. Ils avaient été repérés par le gouvernement avec leurs connexions internet. On n'est plus en sécurité même en restant chez soi, les gens doivent l'apprendre. »

Jared Cohen à South by Southwest, Austin Texas en 2014
La surveillance numérique globale, de même que le droit à la vie privée, figurent parmi les thèmes majeurs de SXSW en 2014, après les nombreuses révélations des documents récupérés et diffusés par Edward Snowden sur la manière dont l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) pouvait espionner tous nos mouvements en ligne. L'ancien consultant de la NSA doit d'ailleurs faire un discours depuis Moscou, lundi 10 mars à 18 heures (heure de Paris), qui sera à suivre en direct sur le compte Twitter du Monde à South by Southwest.
Dans plusieurs documents, notamment ceux révélant l'existence du programme Prism, des entreprises comme Google ont directement été mentionnées en tant que collaboratrices des services secrets américains, ce qu'elles ont par la suite fermement démenti.
« Nous avons été très surpris, assure M. Schmidt, au moment où le nom d'Edward Snowden est mentionné sur la scène d'Austin. Nous avons été attaqués par la Chine en 2010. Nous avons été attaqués par la NSA en 2013. Mais nous sommes pratiquement sûrs que les données de Google sont à l'abri des yeux indiscrets de tous les gouvernements, y compris ceux du gouvernement américain. » A ses yeux , la solution pour plus de sécurité en ligne « est de chiffrer les données le mieux possible. Nous le faisions déjà, mais nous avons accéléré nos activités en la matière. »

LE DROIT À L'OUBLI « N'EXISTE PLUS »
Le directeur de Google Ideas et Eric Schmidt en ont profité pour raconter leur récente rencontre avec Julian Assange, qui donnera également un discours pour le public de SXSW, samedi. « Nous sommes tombés d'accord sur le fait que la question du qui décide quelles sont les informations qui doivent être publiques est fondamentale pour nos démocraties », a assuré l'ancien PDG de Google.

« Je ne crois pas que nous voulons que des inconnus puissent publier de très nombreuses données sur tout – par exemple, celles qui concernent la santé ou nos impôts. Les informations, une fois rendues publiques, sont là pour toujours, même si elles peuvent être utilisées négativement contre certaines personnes », a-t-il rappelé, alors qu'Assange s'est précisément fait connaître pour avoir aidé à publier avec Wikileaks de nombreux documents confidentiels.


Eric Schmidt, Keynote à South by Southwest, 7 mars 2014.
Car Eric Schmidt en est désormais certain : le droit à l'oubli « n'existe plus » selon lui. « On peut maintenant retrouver le passé de tout le monde grâce à une simple recherche en ligne. Je me sens vraiment désolé pour l'adolescente de 16 ans qui a vomi en soirée et dont une amie a posté la vidéo [des faits] sur Youtube. Sa seule solution est d'espérer que cela reste enterré », a-t-il décrit devant une salle se permettant quelques rires. « Préparez-vous, dans la prochaine décennie, il y aura de nombreux politiciens qui auront eu une vie d'adolescent qu'ils auront postée sur les réseaux sociaux. Cela risque d'être marrant », a prévenu Jared Cohen.

Dans tous les débats publics « nécessaires pour les démocraties » face à ces évolutions numériques de la société, « il faut faire confiance aux entreprises » comme Google pour conserver et promouvoir des valeurs éthiques, a encore martelé Eric Schmidt. « Nous croyons en un Internet ouvert et libre pour tous. (...) Nous croyons en la bonté des hommes », a terminé, messianique, l'ancien PDG de Google.

Quelques minutes plus tard, Eric Schmidt évoquait WhatsApp, l'une des dernières entreprises à succès de la Silicon Valley, achetée récemment 11,6 milliards d'euros par Facebook – ce qui fait grincer des dents les associations de défense de la vie privée. « 16 milliards de dollars pour 50 employés. Tant mieux pour eux ! Une vraie fête du capitalisme. A qui le tour ? »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.