Les technologies (numériques) ont beau évoluer à la vitesse de l’éclair (et encore jamais assez vite pour les plus geeks d’entre nous), il n’en restera pas moins qu’elles doivent s’adapter à l’humain pour opérer un déterminisme des plus efficients.[1]
A cet égard, nous sommes assez bon public, puisque nous sommes câblés pour répondre à toute forme sociale émanant d’un environnement digital. Je suis sûre qu’il vous est déjà arrivé de vous énerver contre un de vos outils digitaux – ordinateur, tablette ou «smartphone » – et d’éprouver de la haine ou même de l’empathie envers l’une de vos machines ultra perfectionnées…
B.J. Fogg, chercheur à Stanford, s’est intéressé à ces phénomènes et leurs potentiels dans son livre « Persuasive Technology: Using Computers to Change What We Think and Do » [2] . Il y évoque le concept de Captologie – Captology : acronyme de Computers As Persuasive Technologies – où les technologies numériques peuvent être utilisées comme outil d'influence et de persuasion de l’individu.
Il revient sur les fondamentaux de l’influence sociale, dont les normes de groupe (pression sociale) et la comparaison sociale. Ainsi, cette influence sociale opérée par nos outils numériques serait facilitée par 5 prédispositions.
#1 Signaux physiques
L’idéal serait que la technologie transmette ce sentiment de présence sociale à travers des caractéristiques physiques proches de celle de l’humain. Mais sans aller jusque-là, une technologie plus attractive aura une plus grand de pouvoir de persuasion :
« L'attrait physique a un impact
significatif sur l'influence sociale. Les recherches montrent qu'il est
facile d'aimer, de croire, et de suivre les personnes attirantes … Les
personnes attirantes sont plus convaincantes que les autres…Si quelqu'un
est physiquement attrayant, les gens auront tendance à croire qu'ils
ont aussi une foule de qualités admirables, comme l'intelligence ou
l'honnêteté.
De la même façon, les produits
informatiques physiquement attrayants sont potentiellement plus
convaincants que les produits sans attrait. Si un périphérique ou une interface…
est physiquement attrayant, il peut bénéficier de cet effet de halo;
les utilisateurs peuvent croire que le produit est également puissant et
fiable.»
#2 Signaux psychologiquesLes signaux psychologiques de vous outils numériques – comme des messages textuels ou icônes à l'écran qui peuvent véhiculer de l'empathie - peuvent amener les gens à penser, dans le profond de leur inconscient, que le produit a sa propre personnalité, ressent des émotions et est doué de psychologie :
« Ces indices complexes peuvent
n'apparaître qu'après une utilisation prolongée de la technologie. Par
exemple, un ordinateur qui se bloque peut véhiculer une personnalité
malveillante voire vengeresse.»
#3 Signaux linguistiquesVos outils numériques utiliseront la langue écrite ou parlée pour vous transmettre une présence sociale qui vous sera plus familière et éventuellement faire preuve d’un plus grande force de persuasion.
« Les sites de e-commerce comme
Amazon font un usage intensif de ces astuces linguistiques pour évoquer
une présence sociale et convaincre les utilisateurs d'acheter plus de
produits. Lorsque que vous vous connectez, le site vous félicite par
votre prénom et vous propose des recommandations tout au long de votre
navigation…
L'une des utilisations de persuasion
linguistiques les plus puissantes est le compliment. Les études sur
l'effet de la louange dans diverses situations ont clairement montré son
effet positif. Offert sincèrement ou non, le compliment influe sur les
attitudes des gens et leurs comportements. Mon objectif dans ce cas
particulier était de déterminer si la louange d'un ordinateur générerait
des effets positifs similaires à celle de personnes. La réponse est
courte : oui.»
#4 Signaux de dynamique socialeChaque culture possède ses propres modèles d'interaction, ce que l'on peut appeler des rituels ou règles sociales. Et si ces règles ne sont pas observées l'exclusion ou l'abandon de toute interaction peut vite se manifester.
« Les sites de e-commerce utilisent
également les dynamiques sociales pour provoquer les interactions. Ils
accueillent les usagers, les guident vers les produits qu'ils peuvent
aimer, leur confirment leur achat et demandent s'ils ont besoin
d'information supplémentaire. Ils les remercient ensuite après la
transaction. En bref, ils appliquent les mêmes dynamiques sociales que
lors de l'achat dans un magasin classique. »
#5 Signaux de rôles sociauxLes rôles sociaux et notamment ceux invoquant une notion de compétence ou d'autorité véhicule une forte influence. La technologie peut aussi agir dans ces rôles et gagner en ascendance de cette posture autoritaire.
« Pour que les ordinateurs jouent des
rôles sociaux et être efficaces pour motiver ou persuader, il est
important de bien choisir les modèles de rôles sans quoi il sera
contre-productif. Certaines figures d'autorité d'adultes peuvent bien
s'opérer dans certains cas de figure, mais les adolescents peuvent s'y
opposer… L'enjeu pour les concepteurs qui souhaitent intégrer ces rôles
sociaux: bien connaître votre cible. »
Maintenant, B.J. Fogg prévient tout acteur souhaitant utiliser ces
leviers sociaux. Ces outils augmentent le pari et ses risques. Vous y
gagnerez sans doute si votre cible a été bien identifiée.
Mais si vous échouez, il vous sera alors difficile de revenir sur
l'impact négatif créé, la cible se sentant manipulée.Références
[1] Patricia M Wallace, The Psychology of the Internet (Cambridge, UK; New York: Cambridge University Press, 1999).
[2] B. J. Fogg, Persuasive Technology: Using Computers to Change What We Think and Do, 1 edition (San Francisco, Calif.; Oxford: Morgan Kaufmann, 2002).
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