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Le 16 avril était publié par la FIDH un rapport effarant sur les violences sexuelles en Egypte. Alors que le pays était montré en exemple pour la vivacité de l’élan démocratique qui s’est exprimé place Tahrir en 2011, 99,3% des femmes égyptiennes déclarent aujourd’hui avoir été victimes d’agressions sexuelles dans leur vie et 86% des hommes avoir déjà commis des agressions. Des chiffres qui laissent sans voix.
Moins loin de nous, une nouvelle tragédie a eu lieu à Evry le 30 mars dernier où quatre mineurs (11, 13, 15 et 17 ans) ont violé et torturé une jeune fille de 17 ans dans un parc.
Le 22 avril est paru sur lemonde.fr une tribune de trois femmes militaires (deux violées et l’une agressée) demandant au ministre de la justice d’agir contre les agressions sexuelles dans l’armée. L’un d’elle témoigne que les officiers à qui elle a rapporté ce viol lui ont répondu qu’une « femme entourée d’hommes était comme une brebis au milieu des loups » et qu’elle aurait dû s’attendre à ce que l’on « lui saute dessus ».
Les chiffres de violences à l’égard des femmes restent, dans un pays comme la France, absolument inacceptables. Plus de 75 000 femmes seraient victimes de viol chaque année, soit une toute les 7 minutes.
Hormis les femmes des millions d’enfants sont victimes de viols ou d’exploitations sexuelle, qu’ils soient filles ou garçons. Viols perpétrés par des hommes.
Bien entendu, nous pouvons regarder ces événements comme des anomalies névrotiques isolées… Mais lorsque nous mettons ces chiffres bout à bout, ne sommes nous pas face à une problématique bien plus profonde, qui concerne le genre humain dans son ensemble ?
Frustration sexuelle et violence
Au delà des violences apparentes que je viens d’évoquer et qu’il est aisé de relier aux névroses sexuelles, quelles peuvent être les conséquences dans notre organisation sociale d’une sexualité masculine déséquilibrée, frustrée, ou teintée de traumatismes ?Lorsque l’on tape « frustration sexuelle » dans Wikipedia (et que l’on s’attarde sur les sources qui paraissent les plus solides), voici notamment ce que l’on peut trouver : Wilhem Reich, ancien élève du psychanalyste Sigmund Freud, soutient que « lorsque les gens sont capables d’une expression sexuelle épanouie, ils subissent un changement de personnalité et commencent dès lors à apprécier tous les aspects de la vie. » Ils s’accordent à dire que « la frustration sexuelle paralyse l’exercice de la conscience sociale et que la répression sexuelle trouverait son fondement dans des problèmes d’ordres sociaux et économiques ». Selon Pierre Achard, docteur français en médecine, « la frustration sexuelle conduit à une sécrétion accélérée de testostérone et par voie de conséquence, à un déchaînement de violence. » Déchainement de violence, rien de moins…
La question suivante que ces éléments soulèvent est : vivons-nous dans un monde où les hommes (puisque ce sont eux qui sont les plus incriminés dans les violences) sont particulièrement frustrés ? Il est évidemment difficile de répondre à une pareille question qui ne fait pas l’objet d’études solides. Pour autant quelques chiffres peuvent nous donner un éclairage.
Ceux que j’ai évoqués en début d’article auraient tendance à parler d’eux-mêmes pour un pays comme l’Egypte où la frustration semble à son comble. Ceux recensés par Slate, compilés de différentes études sur la pornographie seraient de nature à confirmer que c’est une tendance plus générale. Ils témoignent par exemple, qu’en l’espace de 6 ans, l’équivalent de 1,2 million d’années de vidéos porno ont été visionnées sur les deux plus gros sites web spécialisés, avec plus de 93 milliards de pages vues. Plus de 12% de l’ensemble des sites Internet de la planète seraient des sites pornographiques. Leurs revenus atteignent des sommes faramineuses.
En 2011, le psychiatre et anthropologue Philippe Brenot a mené une étude auprès de 2 000 hommes hétérosexuels. Extraits choisis de l’article de Next (le magazine de Libération) qui propose une sorte de compte rendu de l’étude :
Pour Philippe Brenot, il est «compliqué de conjuguer pour les hommes la pulsion permanente qui existe et le respect de la partenaire et de ses désirs».
Dans l’enquête, les hommes qui se déclarent «très satisfaits» de leur vie sexuelle représentent 33% du panel. «Seulement», commente l’auteur. La fréquence moyenne des rapports sexuels est de 8,4 par mois. 60% trouvent que ce n’est pas assez.
La plupart des hommes parviennent à «s’autoréguler», précise le psychiatre, qui voit quand même pas mal d’hommes «qui ne savent pas que faire des pulsions sexuelles qui les démangent».
Un problème de sécurité publique ?
La légende voudrait que les hommes pensent au sexe toutes les sept secondes. Il semble que ce chiffre soit largement exagéré, mais, pour autant, la force de la pulsion sexuelle et sa place dans l’existence des hommes se révèle particulièrement importante. Et lorsque ce rapport à la sexualité devient névrotique, les conséquences peuvent devenir dramatiques.L’importance de cette pulsion a très certainement des ressorts biologiques (l’instinct reproductif), culturels (en occident nous évoluons dans un univers d’images de plus en plus sexualisées s’étalant sur les murs ou sur les écrans), psychologiques…
Mais où est-elle décryptée, expliquée pour le plus grand nombre ? Quelles structures avons-nous mis en place pour accompagner la découverte et la compréhension de leur sexualité chez les hommes ? Considérons-nous la tension entre la pulsion et l’acculturation comme une véritable difficulté pour chaque être humain mâle naissant sur cette planète (comme le mettait en lumière le très beau film « Shame » de Steve McQueen) et qu’il existe fort peu d’espaces pour ne serait-ce qu’en parler ? Prenons-nous la mesure des dégâts que cela occasionne ?
« Que l’on se demande comment on voudrait que les garçons soient initiés à la sexualité si ce n’est pas par la pornographie, le machisme et les mauvaises blagues » déclarait l’écrivain Nancy Huston dans un entretien donné à Kaizen l’an dernier.
Car si la pulsion sexuelle a effectivement tant d’empire sur les hommes, et que son déséquilibre a de si tragiques conséquences, alors oui, il s’agit d’un problème de santé et de sécurité publique, dont nous aurions tort de ne pas nous préoccuper.
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