Attention, "sujet sensible": le monde du travail a ses "dopés du quotidien", des salariés qui consomment discrètement cocaïne, médicaments, ou autres produits pour tenir ou être plus performants, un "véritable problème de santé publique" qui commence à intéresser les chercheurs.
Réunis lundi et mardi pour le premier congrès "addictologie et
travail", sociologues, addictologues ou encore psychologues du travail
ont souligné le manque de données sur le sujet.
Pour Michel Kokoreff, sociologue à l'EHESS, cela s'explique notamment par le fait que "le regard des chercheurs s'est naturellement porté vers les marges, les exclus, les junkies", "en dehors du travail".
"Nous manquons cruellement de données chiffrées", a relevé Michel Hautefeuille, psychiatre addictologue à l'hôpital Marmottan, qui travaille sur ces questions depuis une quinzaine d'années.
Il a notamment évoqué des tests menés chez Exxon sur 800 salariés: 5,9% étaient positifs aux substances psychoactives, un chiffre "probablement minoré" car seuls des volontaires étaient testés.
Il souligne ne voir en consultation que "la partie émergée de l'iceberg", alors qu'il "y a une masse beaucoup plus importante de gens en souffrance".
Une addictologue a notamment évoqué son intervention récente
dans une banque où sur une trentaine de traders, "une bonne dizaine
carburaient à la coke".
- "Cécité du système" -
Au départ, le médecin voyait plutôt des cadres issus de l'informatique, de la finance ou des médias, mais "les pratiques se sont démocratisées" et désormais des professions comme les postiers, coursiers ou les VRP sont aussi concernées.
Pour M. Hautefeuille, ce dopage relève d'une quête d'énergie, de concentration et de productivité, une "démarche analogue à celle des sportifs de haut niveau", d'où l'expression "dopés du quotidien".
Il distingue ces consommateurs des toxicomanes dont la consommation "est liée à une problématique personnelle" et le produit une fin en soi. Chez les dopés, l'usage est associé "à une contrainte liée au travail" et le produit un moyen.
Il évoque à titre d'exemple la consommation de cocaïne: "le toxicomane va se faire des rails longs avec des quantités importantes pour se casser la tête", le dopé de son côté "va faire des micro-pointes avec des toutes petites quantités de coke mais toutes les demi-heures".
M. Hautefeuille a relevé "une prise de conscience" croissante de ce "véritable problème de santé publique", lors du congrès organisé par l'association Additra (Addictologie & Travail) en partenariat notamment avec la Mission interministérielle de la lutte contre les drogues et les conduites addictives (nouveau nom de la Mildt).
Gilles Lecoq, représentant de la Mission, a estimé de son côté que le lien entre usage et travail était un "sujet sensible", et jugé "important de se débarrasser des postures idéologiques".
Selon Pierre Falzon, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), une telle consommation peut relever d'une stratégie d'adaptation.
"Ces stratégies paradoxales ont toujours existé", mais "elles prennent aujourd'hui une ampleur différente du fait des transformations du travail: intensification, injonctions contradictoires, demande accrue d'implication et atteinte au sens du travail".
Autre difficulté, selon M. Hautefeuille, la "loi du silence" qui prévaut autant du côté des usagers que des employeurs, soucieux de l'image de l'entreprise. "Il y a une cécité du système", dit-il.
Pour le médecin, "l'entreprise ne peut qu'être ambivalente" car ces salariés sont "dans un premier temps plus productifs, plus adaptés, plus volontaires".
Mais à terme, les accidents du travail et l'absentéisme peuvent être plus importants et le dopage peut aussi mener à des actes de violences.
Quand les salariés arrivent à lui, ils sont en général en rupture psychologique, mais aussi souvent physique, avec un "sentiment de honte et de solitude massif".
Il faut alors faire l'inventaire de leur consommation, dont ils ont souvent perdu le fil. Il faut ensuite voir comment adapter le travail, explique M. Hautefeuille, soulignant que de simples modifications d'horaires ont permis à "un bon nombre d'entre eux de rentrer dans des conduites normales".
Pour Michel Kokoreff, sociologue à l'EHESS, cela s'explique notamment par le fait que "le regard des chercheurs s'est naturellement porté vers les marges, les exclus, les junkies", "en dehors du travail".
"Nous manquons cruellement de données chiffrées", a relevé Michel Hautefeuille, psychiatre addictologue à l'hôpital Marmottan, qui travaille sur ces questions depuis une quinzaine d'années.
Il a notamment évoqué des tests menés chez Exxon sur 800 salariés: 5,9% étaient positifs aux substances psychoactives, un chiffre "probablement minoré" car seuls des volontaires étaient testés.
Il souligne ne voir en consultation que "la partie émergée de l'iceberg", alors qu'il "y a une masse beaucoup plus importante de gens en souffrance".
- "Cécité du système" -
Au départ, le médecin voyait plutôt des cadres issus de l'informatique, de la finance ou des médias, mais "les pratiques se sont démocratisées" et désormais des professions comme les postiers, coursiers ou les VRP sont aussi concernées.
Pour M. Hautefeuille, ce dopage relève d'une quête d'énergie, de concentration et de productivité, une "démarche analogue à celle des sportifs de haut niveau", d'où l'expression "dopés du quotidien".
Il distingue ces consommateurs des toxicomanes dont la consommation "est liée à une problématique personnelle" et le produit une fin en soi. Chez les dopés, l'usage est associé "à une contrainte liée au travail" et le produit un moyen.
Il évoque à titre d'exemple la consommation de cocaïne: "le toxicomane va se faire des rails longs avec des quantités importantes pour se casser la tête", le dopé de son côté "va faire des micro-pointes avec des toutes petites quantités de coke mais toutes les demi-heures".
M. Hautefeuille a relevé "une prise de conscience" croissante de ce "véritable problème de santé publique", lors du congrès organisé par l'association Additra (Addictologie & Travail) en partenariat notamment avec la Mission interministérielle de la lutte contre les drogues et les conduites addictives (nouveau nom de la Mildt).
Gilles Lecoq, représentant de la Mission, a estimé de son côté que le lien entre usage et travail était un "sujet sensible", et jugé "important de se débarrasser des postures idéologiques".
Selon Pierre Falzon, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), une telle consommation peut relever d'une stratégie d'adaptation.
"Ces stratégies paradoxales ont toujours existé", mais "elles prennent aujourd'hui une ampleur différente du fait des transformations du travail: intensification, injonctions contradictoires, demande accrue d'implication et atteinte au sens du travail".
Autre difficulté, selon M. Hautefeuille, la "loi du silence" qui prévaut autant du côté des usagers que des employeurs, soucieux de l'image de l'entreprise. "Il y a une cécité du système", dit-il.
Pour le médecin, "l'entreprise ne peut qu'être ambivalente" car ces salariés sont "dans un premier temps plus productifs, plus adaptés, plus volontaires".
Mais à terme, les accidents du travail et l'absentéisme peuvent être plus importants et le dopage peut aussi mener à des actes de violences.
Quand les salariés arrivent à lui, ils sont en général en rupture psychologique, mais aussi souvent physique, avec un "sentiment de honte et de solitude massif".
Il faut alors faire l'inventaire de leur consommation, dont ils ont souvent perdu le fil. Il faut ensuite voir comment adapter le travail, explique M. Hautefeuille, soulignant que de simples modifications d'horaires ont permis à "un bon nombre d'entre eux de rentrer dans des conduites normales".
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