samedi 5 avril 2014

PDG cherche DRH pour relation durable

Par Marie-Sophie RAMSPACHER et Valerie LANDRIEU | 31/03/2014

Entre ces deux fonctions, l'entente est un facteur clef, surtout lorsqu'il s'agit de réussir la transformation des organisations. Nos conseils pour une alliance constructive.

Thierry Pilenko, PDG de Technip, a découvert son DRH chez Schlumberger puis l'a débauché chez Faurecia.

Enjeux de transformation, anticipation des successions… la relation privilégiée entre PDG et DRH repose sur leur capacité respective à savoir accompagner des évolutions d'organisation de plus en plus récurrentes.

Une vraie gouvernance

« Il ne faut pas romancer le couple PDG-DRH. Une équipe de direction travaille et construit ensemble, et non par sous-couples », pose Eric-Jean Garcia, maître de conférences à Sciences po. En matière d'efficacité opérationnelle, tous les binômes font sens dans l'entreprise, selon lui ; aucun n'exclut l'autre. «  S'il fallait isoler un attelage, ce serait un trinôme soudé associant DG-DAF et DRH couvrant les principaux aspects de la décision », défend quant à lui Olivier Parent du Châtelet, associé du cabinet de conseil BearingPoint.

L'alchimie du binôme

Ils sont pourtant quelques-uns à faire valoir la particularité de ce binôme. Stéphane Roussel, qui fut successivement DRH et PDG, aujourd'hui directeur chez Vivendi, a en tête un fonctionnement parfait : «  Le DRH est généralement la personne avec laquelle le PDG peut avoir les échanges les plus larges ». Yann-Etienne Le Gall, qui officie chez Yves Rocher, a vu la confiance avec le PDG Bris Rocher s'accroître «  au fil du temps », une relation de proximité - et non de complicité - se nouant. «  Notre matériau de travail commun - l'humain - renforce les liens qui existent avec les fonctions techniques », analyse-t-il. Pour évoquer le duo qu'il forme avec son DRH, Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom, parle d'«  un parcours effectué ensemble » (ils ont été nommés à la direction générale et à la DRH en 2007). Edgard Added, l'organisateur des Trophées des binômes de l'année, reconnaissant que «  la véritable alchimie est rare », admet que l'existence du binôme, «  repose souvent sur une histoire ancienne ». A l'instar de Thierry Pilenko et Thierry Parmentier, PDG et DRH de Technip, qui ont appris à s'apprécier chez Schlumberger. Une entente qui autorise ce dernier à des remarques personnelles sur moult sujets. Quoi qu'il en soit, le DRH doit avoir démontré sa capacité à rendre sa fonction stratégique. A ce titre, Stéphane Roussel est un exemple convaincant. Chez Carrefour, ce psychologue de formation s'est fait repérer par Daniel Bernard, PDG jusqu'en 2005, lorsqu'il s'est frotté à d'autres dossiers que les RH. «  J'ai imaginé et proposé de revoir l'organisation en magasin, raconte-t-il, avertissant « qu'un DRH ne soit pas au comex est un indice… défavorable. »

Le partage des rôles

Pour se pousser du col, le DRH doit «   contribuer à l'augmentation de la performance opérationnelle », poursuit Stéphane Roussel. Les plans de transformation sont l'une des occasions de contribuer. Exemple chez Technip : engagé dans un projet de mutation depuis six ans, le DRH est à la manoeuvre. « Lorsque Thierry Pilenko, le PDG, a décidé qu'il fallait sortir de notre centralisation franco-française et déployer une culture multilocale, ma vision a compté, notamment pour le développement de multiples zones de compétences mondiales », détaille Thierry Parmentier. Sonia Artinian, DRH de Lafarge, après avoir dirigé la Roumanie pour le groupe, approuve : « Les changements d'organisation s'accélérant, le DRH est de plus en plus sollicité sur la stratégie, la capacité de l'entreprise à réaliser ses objectifs, et l'accompagnement nécessaire. Il participe aussi activement à la réflexion sur la gouvernance et l'avenir, avec les plans de succession. » Encore faut-il un contexte porteur… Chez Orange, c'est l'urgence donnée à la relance du dialogue social qui a rendu la collaboration plus étroite et constructive entre Stéphane Richard, le PDG, et Bruno Mettling, son DRH ; a contrario, l'entreprise en pleine santé ou marquée par une forte culture s'ouvre moins à la contribution du DRH. Illustration avec L'Oréal où les hommes du marketing pèsent sur la structure hiérarchique. L'irruption des profils issus des opérations - à l'instar de Marc Benoît, DRH de Danone, ou de Sonia Artinian - contribue par ailleurs à fortifier la relation avec le PDG. « Les connivences se nouent différemment. Le président repère tel DRH parce qu'il l'a vu réussir une fusion-acquisition, pour sa maîtrise du business model, ou de l'international », éclaire François Eyssette (*). « L'anticipation fine du capital humain commande de comprendre les métiers », argumente Olivier Parent du Châtelet.

Anticiper les dérives

Rare et donc fragile, le binôme explose fréquemment en vol. Par mimétisme, parfois, selon un chasseur de têtes. Comme celui pratiqué par ce DRH, conquis par son PDG et sa tendance à l'isolement. Par ambition, souvent, comme celle de ce DRH d'un groupe industriel poussant le PDG à prendre de mauvaises décisions : recrutement de CV inutilement prestigieux et éviction des piliers historiques de l'entreprise. Alors qu'il était aveuglé par sa propre ambition, il aura fallu que salariés et syndicats tirent la sonnette d'alarme pour mettre fin à cette belle mais néfaste harmonie. Et puis il y a aussi, le franchissement de limites souvent tacites. «  Arrivés à un certain niveau, les DRH guettent une direction générale », signale ce spécialiste du recrutement. Philippe Cuénot, le DRH de Bouygues Telecom, a, lui, pris le soin de prévenir Olivier Roussat qu'il n'avait pas cette ambition. «  Je lui ai dit d'entrée. Cela permettait d'éviter la confusion des genres . Les RH, c'est une fonction support. »
(*) Ancien DRH de BIC, il vient de publier « Comment la DRH fait sa révolution » (Editions Eyrolles).

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