DGSI recrute espions : comment savoir si vous avez le profil (et ce à quoi ça vous engage vraiment)
La
direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) recrutera dans les
cinq ans à venir 430 personnes. Attention, si vous avez toujours rêvé de
vous la jouer James Bond, vous pourriez bien être déçus.
Pas tout à fait comme James Bond...
Atlantico : La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui remplace la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), va recruter dans les cinq ans 430 analystes, interprètes, informaticiens ou chercheurs en plus des 3 600 policiers de l'actuelle DCRI. Quel est le profil recherché pour intégrer la DGSI ?
Eric Denécé : Les profils
recherchés dépendent bien évidemment du poste dont il est question. Il
s'agit là de postes tout à fait classiques qui sont ce que l'on appelle
des postes périphériques qui sont des supports aux officiers de
renseignement. Par exemple pour les traducteurs, il n'y a pas de
diplôme type. Ce que l'on recherche ce sont des personnes bilingues. La
question à se poser est donc de savoir quelles sont les langues rares.
Les dialectes les plus recherchés sont l'arabe en tant que telle mais
aussi tous les dialectes des pays dont sont issus les terroristes.
Il
peut donc s'agir du tchétchène et d'un certain nombre de dialectes du
Maghreb, d'Asie centrale, du Pakistan ou de l'Afghanistan. Ces langues
ne sont pas rares dans l'absolu mais elles sont très peu parlées en
France. Ces profils sont assez compliqués à trouver lorsqu'il ne s'agit
pas de diplômés. On recrute donc parmi les minorités, les personnes
réfugiées en France ayant servi d'interprète à l'armée française sur le
terrain comme par exemple en Bosnie, en Afghanistan, etc. Pour ce qui
est du métier d'analyste, cela s'apprend. Peu de gens sont des vrais
analystes avant d'entrer dans les services de renseignement. Dans le
recrutement, on recherche donc avant tout un niveau de culture
suffisant. On recrute donc généralement les analystes à Bac+5 ayant une
bonne connaissance du monde arabe, du terrorisme ou d'un pays en
particulier. En somme, des personnes disposant déjà une masse de savoirs
qui leur permettra d'être plus rapides dans leur apprentissage du
travail d'analyste. Travail qui n'est pas un travail de terrain mais qui
consiste à faire dire un certain nombre de choses aux informations qui
ont été récoltées. On recherche dans ce cas des diplômés en science
politique, en sociologie internationale, en géopolitique, en relations
internationales, en criminologie éventuellement, etc. Les services de
renseignement ont aussi à l'esprit de recruter des gens avec un très
haut niveau d'étude (de type doctorat) par exemple en termes
d'interprétation des textes sur l'islam. Ces profils permettront
d'apporter une réelle plus-value, une analyse macro-politique à long
terme. Parmi les informaticiens, on trouve ceux qui vont préparer les
systèmes pour que les analystes puissent suivre constamment ce qui se
passe sur les réseaux. Et la deuxième chose est de protéger les sites
des attaques des hackers étrangers. D'autres sont des spécialistes de
l'investigation informatique.
Auparavant, il fallait passer un concours de la fonction publique pour entrer au service du contre-espionnage. Ce ne sera plus le cas. Cela permettra-t-il d'attirer d'autres profils ?
Dans un service de renseignement, il y a autant de
métiers que dans d'autres entreprises. Il n'y a pas de profils
particuliers, si ce n'est celui du poste dont il est question. Dans 90%
des cas pour entrer à la DGSI, il faut avoir passé un concours
administratif. Ces concours administratifs sont des systèmes de fourches
caudines. Les sujets d'examen de ces concours sont à mon avis
complètement inadaptés dans lesquels ont fait de la finance publique des
collectivités territoriales, de la culture générale et dans lesquels la
connaissance du renseignement et de la géopolitique joue un rôle
mineur. A l'heure actuelle, il n'y a pas de concours qui permettent de
recruter les profils recherchés, donc mieux vaut en effet recruter des
contractuels.
Au-delà des fantasmes, à quoi ressemble vraiment la vie d'un agent secret ? A quelles contraintes est-il soumis ? Au quotidien mais aussi sur le long terme ?
Ces nouvelles recrues ne seront pas dans le
renseignement a effectivement démanteler des réseaux. Leur rôle sera de
faire de la traduction des textes, des sites, d'aller sur Internet,
d'améliorer la sécurité informatique. Ils ont effectivement un rôle à
jouer mais ils ne sont pas en pointe en matière de renseignement, ils ne
sont pas officiers de police judiciaire, ils n'ont pas le droit de
procéder à une arrestation et généralement, ils ne quitteront jamais
leur bureau. Les gens qui sont sur des postes de soutien font du bureau
de 9h à 18h tous les jours. C'est un travail administratif classique
même si la finalité de ce travail est le renseignement. La seule
différence est qu'avant de les embaucher, ils feront l'objet d'une
enquête assez sérieuse pour vérifier qu'ils ne soient pas dangereux,
qu'ils ne présentent pas de vulnérabilités en matière de déstabilisation
par l'étranger. Les officiers de renseignement sont pour leur part tous
des officiers de police. Leur travail est de recruter des agents
secrets. Un agent est un indicateur, c'est un délinquant au sens propre
que l'on a recruté, que l'on forme et que l'on manipule. A ne pas
confondre avec un officier de renseignement.
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