mardi 13 mars 2012

Désertification : les solutions existent, regardons-les !

Le temps des solutions, tel est l'objectif du 6e Forum mondial de l'eau, pour apporter des réponses aux difficultés d'assainissements et d'accès à l'eau potable. L'intérêt porté à ces sujets ne doit pas masquer un autre enjeu, tout aussi essentiel, celui des modèles agricoles qui mettent sous tensions deux termes de l'équation alimentaire : l'eau et les sols. Ils entraînent une surconsommation d'eau – rappelons que l'agriculture consomme deux tiers des ressources en eau de la planète – tout en contribuant à affaiblir des sols, déjà mis à mal par les changements climatiques. La désertification touche aujourd'hui près de 40 % des surfaces terrestres.

L'état des lieux est éloquent. Près du quart des terres agricoles sont dans un état tel qu'il n'est plus possible d'y cultiver de quoi nourrir le milliard et demi de personnes qui y vivent. Oublions les clichés, la désertification ne touche pas que quelques territoires dépeuplés de la zone sahélienne ! Partout dans le monde, de la Russie à l'Afrique, en passant par l'Amérique du Sud et même l'Europe, la qualité des sols se détériore. Presque tous les sols cultivés sont dégradés ou très dégradés, avec pour effets immédiats une aggravation du stress hydrique et de la sècheresse, affectant en premier lieu les populations et les écosystèmes les plus vulnérables. Et pourtant qui parle de cette menace majeure pour le bien-être global ?

Sur ce sujet, nous avons collectivement, et certainement encore davantage que sur le thème du changement climatique ou de la biodiversité, adopté la politique de l'autruche. Sans leadership politique, nous avons fait le choix de la cécité, espérant qu'en gardant la tête au fond du trou, le problème allait se résoudre de lui-même.

Au cœur de ce chaos, les populations les plus pauvres d'Afrique et de l'Asie du Sud sont en première ligne. La litanie de chiffres que le monde de l'écologie et du développement n'a de cesse de répéter, dans l'indifférence quasi générale, reste édifiante : 1 milliard de personnes souffrent de la faim, 2,5 milliards vivent avec moins de 2 dollars par jour… Le profil type de la victime du XXIe siècle est toujours le même : citoyen du sud, paysan ou rural, il vit dans les zones arides, où la terre perd peu à peu sa fertilité, sous l'effet des crises globales et de la mondialisation agricole. La souffrance est malheureusement, elle aussi, cumulative.

Mettons à profit ce forum mondial de l'eau, et particulièrement l'espace qui y est dédié aux terres arides et aux oasis, pour inviter chacun à jeter un nouveau regard sur la lutte contre la désertification et la dégradation des terres. Les réponses à apporter existent bel et bien. Elles sont à notre portée, et d'ores et déjà connues.

D'abord locales et avec la pleine participation des populations, elles passent par le déploiement des pratiques agroécologiques. Leur pertinence est désormais reconnue par la science, comme l'explique Olivier de Schutter, rapporteur des Nations unies sur le droit à l'alimentation, ou encore la FAO. Construites aussi bien sur une recherche et des innovations adaptées aux territoires concernés, que sur la reconnaissance et revalorisation des savoir-faire traditionnels, ces démarches permettront de redonner aux agricultures des zones arides leur fonction première : celle de nourrir les hommes qui y vivent et de développer la résilience des écosystèmes qui les portent. En optimisant l'irrigation, en renonçant à développer prioritairement les cultures d'exportations toujours plus gourmandes en eau, en engrais et en énergie, en réinvestissant dans l'agriculture comme dans l'élevage, ces solutions concrètes déjà largement éprouvées permettront des gains de productivités, ainsi qu'une régénération de la ressource irremplaçable qu'est le sol.

Les solutions doivent aussi être globales. Sans questionner notre modèle agricole et remettre en cause les pratiques commerciales qui mettent en concurrence les agricultures vivrières du Sud, il leur sera impossible de sortir de la pauvreté en misant sur de nouvelles pratiques. Pour que des solutions locales soient mises en œuvre, il faut donner les moyens aux pays du Sud de refonder leur modèle agricole, en leur permettant de se protéger face à la concurrence déloyale des produits subventionnés du Nord. Rio+20 devra impérativement être l'occasion de remettre les enjeux environnementaux au niveau des accords commerciaux. En d'autres termes, les techniques efficaces sont connues, seul l'engagement politique fait défaut.

Renforcer la gouvernance de l'environnement, c'est aussi renforcer le poids du régime international de lutte contre la désertification. La Communauté internationale doit, en s'appuyant sur la communauté scientifique, se doter d'une série d'indicateurs permettant de concrétiser les enjeux aux yeux de tous. Il est tout aussi indispensable d'avoir enfin des objectifs précis et chiffrés. Nous proposons de graver dans le marbre le principe de "taux net 'zero' de dégradation des terres", pour prendre enfin l'engagement de réhabiliter les sols érodés, dégradés ou abîmés.

Ce n'est qu'à ces conditions que nous parviendrons enfin à nous situer à la hauteur des enjeux. Tous les discours sur la fin de la pauvreté dans le monde, sur la sécurité alimentaire ou l'accès à l'eau et à l'énergie seront vains si nous ne choisissons pas de préserver le seul élément au cœur de ces trois enjeux planétaires : les terres.

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