dimanche 11 mars 2012

Fukushima : un an après, bilan express de l'accident nucléaire

Photo HD 1







Il y a un an le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 déclenchaient un accident nucléaire de niveau 7, le plus élevé, sur la centrale de Fukushima Dai-ichi. Retour sur cette catastrophe par un bilan express.

Le blog propose d'autres notes plus détaillées sur chacun des points traités ici, lles liens sont en fin de note. (photo, les réacteurs 2 et 3 peu après l'accident, en mars 2011)

Que s’est-il passé le 11 mars ?

Le séisme choque la centrale à 14h46. Il provoque l’arrêt automatique des réacteurs 1, 2 et 3 qui fonctionnaient (les 4, 5 et 6 étaient à l’arrêt) par les barres de contrôle. Le réseau haute tension qui alimente la centrale est détruit, des bâtiments sont fortement endommagés, des équipements mis hors service. Les diesels de secours démarrent et alimentent la centrale. Quarante minutes après, survient un tsunami de 15 mètres de haut. Il submerge les protections, brise les prises d’eau, défonce les portes, noie les parties basses des réacteurs et les diesels de secours, sauf celui des réacteurs 5 et 6. Dès lors, les systèmes de refroidissement des cœurs nucléaires - dont il faut évacuer la chaleur résiduelle et due à la radioactivité - et des piscines de rétention du combustible usé et chaud, ne fonctionnent plus.

L’accident du 12 au 20 mars Graphique publié le 15 mars

Après quelques heures sans refroidissement, les cœurs des réacteurs ont mis l’eau en ébullition puis en évaporation. Puis, ils fondent les uns après les autres, en partie ou en totalité, et forment un magma visqueux (corium). Ils vont s’accumuler au fond des cuves, la percer ou la traverser par les arrivées des barres de contrôle, une partie va alors se retrouver sur le béton des enceintes de confinement et l’attaquer, surtout pour le réacteur n°1.

La destruction des gaines du combustible dégage des gaz et particules radioactives (xénon, krypton, iode, césium, tellure) tandis que des réactions chimiques entre gaines et vapeur produisent de grandes quantités d’hydrogène, un gaz explosif. Afin d’éviter que les cuves et les enceintes de confinement cèdent sous la pression, les gaz (vapeur d’eau et gaz radioactifs) sont relâchés dans les bâtiments. Surviennent alors des explosions d’hydrogène qui détruisent les parties hautes des bâtiments 1, 3 et 4 (l'hydrogène qui a explosé dans le 4 provient du 3), dispersent violemment les structures métalliques et de béton sur le site, et les matières et gaz radioactifs. La première explosion détruit la partie haute du bâtiment n°1 vers 15h30 le 12 mars. C’est le réacteur dont le bâtiment semble intact, le n°2, qui aurait dégagé le plus de radioactivité, par une explosion d’hydrogène à la base de sa structure.

Les émissions de radioactivité Rejets totaux

Du 12 au 22 mars se succèdent des émissions massives de radioactivité dont l’essentiel a lieu du 13 au 17 mars (graphique ci-contre). Elles sont estimées égales à celle de Tchernobyl pour les gaz rares (xénon), mais d’environ 10% pour les iodes et un tiers pour les césiums. L’impact sanitaire majeur est celui des iodes pour le court terme, et des césiums pour le moyen et long terme. L’essentiel de ces émissions a été dirigée vers l’océan Pacifique par les vents, sauf les 15 et 16 mars.

L’action pour stopper l’accident Arrosage du réacteur 3

La reprise du refroidissement des cœurs et des piscines se fait par des installations de fortune, qui pompent l’eau dans la mer et l’injectent dans et sur les réacteurs, ainsi que dans les piscines. La première injection d’eau de mer sur l’enceinte du réacteur n°1 démarre le 12 à 20h20. Ces injections ne pourront empêcher les fusions des cœurs. Une phase critique surviendra le 15 mars lorsque l’ébullition de la piscine n°4 fera craindre la mise à l’air des combustibles, qui aurait contraint à abandonner le site. Elle sera évitée de justesse.

L’évacuation des populations Carte évacuation

Le 12 mars, le Premier ministre ordonne l’évacuation des populations jusqu’à 20 kilomètres de la centrale nucléaire. Elle se fait rapidement et concerne environ 80.000 personnes. Le 15 mars, les habitants de la zone entre 20 et 30 km sont confinés chez eux. Le 10 avril, décision d’évacuer les zones où la dose d’irradiation serait supérieure à 20 millisieverts pour la première année après l’accident. Le 22 avril, une zone d’évacuation complémentaire est décidée, au nord-ouest de la centrale dans une région touchée par une émission la nuit du 15 au 16 mars qui a provoqué d’importants dépôts au sol par la pluie. Au total, près de 150.000 personnes vont devoir quitter leur domicile, travail, école.

Les territoires contaminés

Environ 600 km² ont été contaminés au-delà de 600.000 becquerels de césium-137 au m² (contre 13.000 à Tchernobyl) soit plus de 20 millisieverts par an. La moitié de cette surface se situe dans les 20 km autour de la centrale, et est constituée de forêts pour près de 400 km².

Cette Carte détaillée radioactivitécontamination est durable, en l’absence d’action pour la récupérer et la stocker, car la demie-vie du césium-137 (division par deux de sa radioactivité) est de 30 ans. Les moyennes à grande échelle masquent des points chauds de petites surfaces où le césium peut se concentrer par l’eau et le vent. Les zones évacuées ne sont plus cultivées pour l’instant. Ailleurs, les rizières et champs montrant une contamination supérieure à 5000 becquerels de césium par kg de sol sont interdits de cultures.

La contamination de la chaîne alimentaire

Des alertes dépassant les normes alimentaires ont été enregistrées lors du pic de l’accident sur l’eau potable. Des productions - épinards, légumes frais, riz (trois échantillons sur 3.900 mesurés) - ont été détruites après mesures de niveaux supérieurs aux normes. Certaines pêches sont toujours interdites. Certains produits (abricots, le thé ou les bambou) peuvent montrer une contamination durable par le césium contenu dans le bois et la sève.

L’état de la centrale nucléaire Fin de la couverture du réacteur 1

Près de 3000 travailleurs interviennent chaque jour sur le chantier où un centre de crise a été installé. A la fin de l’année 2011, le gouvernement a annoncé «l’état d’arrêt à froid» des réacteurs. Un terme qui désigne une situation prédéfinie, comportant le maintien sous les 100°C de l’eau qui entoure les cœurs fondus des réacteurs détruits, l’installation de systèmes de refroidissement robustes et le contrôle des émissions radioactives. Le bâtiment du réacteur n°1 a été entièrement recouvert par une structure métallique et des parois (photo ci-dessus). Près de 200.000 tonnes d’eau contaminée ont été traitées, et des conteneurs installés pour la stocker. Le nettoyage du site progresse. Une résine a été projetée sur le sol et les bâtiments pour fixer le césium. Les Japonais prévoient de commencer l’enlèvement des combustibles usés des piscines en 2013 pour le réacteur n°4, et en 2014 pour les autres. La récupération des cœurs détruits n’aura pas lieu avant 10 ans. Le démantèlement complet de la centrale prendra 30 ou 40 ans.

Les doses des travailleurs Opérateur système décontamination

Au 31 janvier 2012, le bilan des examens portant sur 3.368 salariés de TEPCo et 16.226 d’autres sociétés montre que 167 ont reçu une dose supérieure à 100 millisieverts (mSv): 134 de 100 à 150mSv, 24 de 150 à 200mSv, trois de 200 à 250mSv: 3, six à plus de 250mSv le maximum étant à 678 mSv. Ces informations sont non vérifiables pour l’instant par des médecins non japonais.

Deux salariés de la centrale sont morts noyés le 11 mars par le tsunami. Deux arrêts cardiaques ont causé des décès le 14 mai 2011 et le 9 janvier 2012, un décès par leucémie aiguë en août 2011 et un par choc septique le 6 octobre. D’après Jean-René Jourdain (IRSN), seul ce dernier pourrait avoir un rapport avec l’irradiation subie. Aucun syndrome d’irradiation aiguë n’a été signalé (à Tchernobyl, 237 personnes furent hospitalisées sur un soupçon de syndrome, confirmé pour 134. Vingt-huit d’entre elles sont décédées quatre mois après. Entre 1987 et 2006, 19 autres sont décédées). Le gouvernement n’a donné aucune information sur la dosimétrie des autres intervenants (militaires et pompiers lors des premiers jours sur le site, et l’ensemble des personnels intervenus dans la zone évacuée ensuite).

L’exposition de la population

Pour l’instant, aucun signe médical direct d’une conséquence de l’exposition radiologique n’a été signalé. Le Japon a mis en place un dispositif très important de surveillance médicale. Une enquête par questionnaire sera conduite sur plus de deux millions de personnes vivant dans la région de Fukushima pour estimer la dose reçue. Un bilan thyroïdien sera réalisé pour tous les enfants de moins de 18 ans de la région, soit 360.000 enfants, tous les deux ans jusqu’à 20 ans, puis tous les cinq ans. Un suivi des bébés nés de femmes enceintes durant l’accident. Un bilan médical des personnes évacuées des zones les plus exposées, soit 210.000 personnes. Et un suivi psychologique sur 30.000 personnes.

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