dimanche 11 mars 2012

Henri IV de France

Henri IV, né Henri de Bourbon (13 décembre 1553[3] à Pau - 14 mai 1610 à Paris), fut roi de Navarre (Henri III de Navarre, 1572-1610) puis roi de France (1589-1610), premier souverain français de la branche dite de Bourbon de la dynastie capétienne.

Il était le fils de Jeanne III, de son nom patronymique Jeanne d'Albret, reine de Navarre, et d'Antoine de Bourbon, chef de la maison de Bourbon, descendant du roi Louis IX et premier prince du sang[4]. En vertu de la « loi salique » cette filiation fera d'Henri le successeur naturel du roi de France à la mort de François, duc d'Anjou (frère et héritier du roi Henri III), en 1584.

Contemporain d'un siècle ravagé par les guerres de religion, il y fut d'abord lourdement impliqué en tant que prince du sang et chef protestant avant d'accéder au trône de France (lui-même dut changer plusieurs fois de religion avant son accession au trône). Pour être accepté comme roi, il se convertit au catholicisme, et signa l'Édit de Nantes, traité de paix tolérant dans certaines limites le culte protestant, qui mit fin pendant deux décennies aux guerres de religion. Alors qu'il préparait une guerre contre l'Espagne, il fut assassiné le 14 mai 1610 par un fanatique charentais, François Ravaillac, rue de la Ferronnerie à Paris.

Jeunesse

Berceau d'Henri IV, constitué d'une carapace de tortue, conservé au château de Pau.

Henri IV est né à Pau, alors capitale de la vicomté souveraine de Béarn (située aujourd'hui dans la région Aquitaine), dans le château de son grand-père maternel le roi de Navarre[5]. Henri d’Albret désirait depuis longtemps que sa fille unique lui donnât un héritier mâle. Aussitôt né, Henri est donc remis entre ses mains. Les chroniqueurs racontent qu’il lui frotta les lèvres avec une gousse d'ail et lui fit respirer une coupe de vin, sans doute de Jurançon, où le roi de Navarre possédait une vigne. Ce genre de pratique était courante avec les nouveau-nés, dans le but de prévenir les maladies.

Henri passe une partie de sa petite enfance dans la campagne de son pays au château de Coarraze[6]. Fidèle à l'esprit du calvinisme, sa mère Jeanne d'Albret prend soin de l'instruire dans cette stricte morale, selon les préceptes de la Réforme.

À l'avènement de Charles IX en 1561, son père Antoine de Bourbon l'amène vivre à la cour de France. Il y côtoie le roi et les princes de maison royale qui sont de son âge. Il est l'un des objets du conflit qui oppose ses parents en désaccord sur le choix de sa religion, sa mère désirant l'instruire dans le calvinisme et son père dans le catholicisme.

Durant la première guerre de religion, Henri est placé par sécurité à Montargis sous la protection de Renée de France. Après la guerre et le décès de son père, il est retenu à la cour comme garant de l'entente entre la monarchie et la reine de Navarre. Jeanne d'Albret obtient de Catherine de Médicis le contrôle de son éducation et sa nomination comme gouverneur de Guyenne (1563)[7].

De 1564 à 1566, il accompagne la famille royale durant son grand tour de France et retrouve à cette occasion sa mère qu'il n'avait pas revue depuis deux ans. En 1567, Jeanne d'Albret le fait revenir vivre auprès d'elle dans le Béarn.

En 1568, Henri participe à titre d'observateur à sa première campagne militaire en Navarre. Il poursuit ensuite son apprentissage militaire durant la troisième guerre de religion. Sous la tutelle de l'amiral de Coligny, il assiste aux batailles de Jarnac, de La Roche l'Abeille et de Moncontour. Il combat pour la toute première fois en 1570, lors de la bataille d'Arnay-le-Duc[8].

Roi de Navarre

À la cour de France

Henri de Navarre et Marguerite de Valois, roi et reine de Navarre (vers 1572). Miniature du livre d'heures de Catherine de Médicis.

En 1572, succédant à sa mère Jeanne d'Albret, Henri de Navarre devient roi de Navarre sous le nom de Henri III[9]. Le 18 août 1572, il est marié à Paris à la sœur du roi Charles IX, Marguerite de Valois (davantage connue à partir du XIXe siècle sous le sobriquet romancé de « reine Margot »). Ce mariage auquel s'était opposée Jeanne d'Albret dans un premier temps[10], a été arrangé pour favoriser la réconciliation entre catholiques et protestants. Comme Marguerite de Valois, étant catholique, ne peut se marier que devant un prêtre, et que Henri, ne peut entrer dans une église, leur mariage fut célébré sur le parvis de Notre-Dame. C'était d'ailleurs coutume au Moyen Âge que le mariage soit célébré devant le porche de l'église. S'ensuivent plusieurs jours de fête.

Cependant, dans un climat très tendu à Paris, et suite à un attentat contre Gaspard de Coligny, le mariage est suivi quelques jours plus tard du massacre de la Saint-Barthélemy. Épargné par les tueries du fait de son statut de prince du sang, Henri est contraint quelques semaines plus tard de se convertir au catholicisme[11]. Assigné à résidence à la cour de France, il se lie politiquement avec le frère du roi François d'Alençon et participe au siège de La Rochelle (1573).

Après sa participation aux complots des Malcontents, il est retenu prisonnier avec le duc d'Alençon au château de Vincennes (avril 1574). La clémence du roi lui fait éviter la peine de mort mais il reste retenu à la cour. À l'avènement de Henri III, il reçoit à Lyon un nouveau pardon du roi et participe à la cérémonie de son sacre à Reims.


Henri III de Navarre (vers 1575).
Huile sur toile, Musée national du château de Pau.

Après avoir passé plus de trois ans comme otage à la cour, il profite des troubles de la cinquième guerre de religion pour s'enfuir, le 5 février 1576. Ayant rejoint ses partisans, il renoue sans éclat avec le protestantisme, en abjurant le catholicisme le 13 juin[12]. Il soutient naturellement la cause des Malcontents (association de catholiques et de protestants modérés contre le gouvernement), mais animé d’un esprit modéré, il ne s’entend pas avec son cousin le prince de Condé, qui d’un tempérament opposé, se bat avec zèle pour le triomphe de la foi protestante[13]. Henri de Navarre entend ménager la cour de France et s'assurer en Guyenne la fonction de gouverneur (représentant administratif et militaire du roi). En 1577, il participe timidement à la sixième guerre de religion menée par son cousin[14].

Henri est désormais confronté à la méfiance des protestants qui lui reprochent son manque de sincérité religieuse. Il se tient à l’écart du Béarn qui est fermement tenu par les calvinistes[15]. Henri est plus encore confronté à l’hostilité des catholiques. En décembre 1576, il manque de mourir dans un piège organisé dans la cité d’Eauze et Bordeaux, capitale de son gouvernement refuse de lui ouvrir ses portes[16]. Henri s’installe alors le long de la Garonne à Lectoure et à Agen qui a l’avantage d’être situé non loin de son château de Nérac. Sa cour est composée de gentilshommes appartenant aux deux religions. Ses conseillers sont essentiellement protestants, tels Duplessis-Mornay et Jean de Lacvivier.

D’octobre 1578 à mai 1579, la reine mère Catherine de Médicis lui rend visite pour achever la pacification du royaume. Espérant le maintenir plus facilement en obéissance, elle lui ramène son épouse Marguerite.

Pendant plusieurs mois, le couple Navarre mène grand train au château de Nérac. La cour s’amuse notamment en partie de chasse, de jeu et de danse, ce dont se plaignent amèrement les pasteurs[17]. Sous l’influence de l’idéal platonique imposé par la reine, une atmosphère de galanterie règne sur la cour qui attire également un grand nombre de lettrés (comme MontaigneDu Bartas). Henri se laisse aller lui-même aux plaisirs de la séduction (il s'éprend tour à tour de deux filles de la reine : Mlle Rebours et Françoise de Montmorency-Fosseux)[18]. et

Henri participe ensuite à la septième guerre de religion relancée par ses coreligionnaires. La prise de Cahors, en mai 1580, où il réussit à éviter pillage et massacre malgré cinq jours de combats de rue[19], lui vaut un grand prestige à la fois pour son courage et son humanité[20].

Les aventures féminines du roi créent la discorde au sein du couple qui n'a toujours pas d'enfants et provoquent le départ de Marguerite pour Paris. Le coup d'éclat de Marguerite à Agen (1585) consommera leur rupture définitive.

Héritier du trône de France

En 1584, le frère cadet du roi de France, François de France duc d'Alençon puis d'Anjou, meurt sans héritier. N'en ayant pas lui-même, le roi Henri III envisage de confirmer Henri de Navarre comme son héritier légitime. Il lui envoie le duc d'Épernon pour l'inviter à se convertir et à revenir à la cour. Mais quelques mois plus tard, contraint par les Guise de signer le traité de Nemours, il lui déclare la guerre et met hors la loi tous les protestants. La rumeur dit qu'en une nuit, la moitié de la moustache du futur Henri IV blanchit[21].

Commence alors un conflit où Henri de Navarre affronte à plusieurs occasions le duc de Mayenne. Relaps, Henri est de nouveau excommunié par le pape, puis il doit affronter l'armée royale qu'il bat à la bataille de Coutras en 1587.

Plusieurs revirements apparaissent en 1588. La mort du prince Henri de Condé le place clairement à la tête des protestants. L'élimination violente du duc de Guise l'amène à se réconcilier avec Henri III. Les deux rois se retrouvent tous les deux au château de Plessis-lès-Tours et signent un traité le 30 avril 1589. Alliés contre la Ligue qui contrôle Paris et la plus grande partie du royaume de France, ils parviennent à mettre le siège devant Paris en juillet. Le 1er août 1589, avant de mourir le lendemain des blessures infligées par le moine fanatique Jacques Clément, le roi Henri III reconnaît formellement son beau-frère et cousin le roi de Navarre comme son successeur légitime, et celui-ci devient le roi Henri IV.

Pour Henri IV commence la longue reconquête du royaume, car les trois quarts des Français ne le reconnaissent pas pour roi. Les catholiques de la Ligue refusent de reconnaître la légitimité de cette succession.

Roi de France : la reconquête du royaume

La guerre contre la Ligue

Henri IV vainqueur de la Ligue représenté en Mars, par Jacob Bunel (Conservé au musée national du château de Pau.)

Conscient de ses faiblesses, Henri IV doit d’abord commencer par conquérir les esprits. Les royalistes catholiques lui demandent d’abjurer le protestantisme, lui qui à neuf ans avait déjà changé trois fois de religion. Il refuse, mais dans une déclaration publiée le 4 août, il indique qu’il respectera la religion catholique. Beaucoup hésitent à le suivre, certains protestants comme La Trémoille quittent même l’armée, qui passe de 40 000 à 20 000 hommes.

Affaibli, Henri IV doit abandonner le siège de Paris car les seigneurs rentrent chez eux, ne voulant pas servir un protestant. Appuyés par l'Espagne, les ligueurs relancent les hostilités, le contraignant à se replier personnellement à Dieppe, en raison de l'alliance avec la reine Élisabeth Ire d'Angleterre, tandis que ses troupes refluent partout.

Cependant, Henri IV est victorieux de Charles de Lorraine, duc de Mayenne le 29 septembre 1589 lors de la bataille d'Arques. Au soutien des nobles, huguenots et politiques rassurés par ce chef de guerre solide et humain, s’ajoutent ceux de Conti et Montpensier (princes du sang), Longueville, Luxembourg et Rohan-Montbazon, ducs et pairs, des maréchaux Biron et d’Aumont, et d’assez nombreux nobles (Champagne, Picardie, Ile-de-France)[22]. Il échoue par la suite à reprendre Paris, mais prend d’assaut Vendôme. Là aussi, il veille à ce que les églises restent intactes, et à ce que les habitants ne souffrent pas du passage de son armée. Grâce à cet exemple, toutes les villes entre Tours et le Mans se rendent sans combat[23]. Il bat à nouveau les Ligueurs et les Espagnols à Ivry le 14 mars 1590, assiège Dreux sans succès puis affame Paris, mais ne peut prendre la ville, qui est ravitaillée par les Espagnols.

Les protestants lui reprochent de ne pas leur donner la liberté de culte : en juillet 1591, il rétablit par l’Édit de Mantes (à ne pas confondre avec l'Édit de Nantes de 1598) les dispositions de l’édit de Poitiers (1577), qui leur donnait une liberté très limitée du culte[24]. Le duc de Mayenne, alors en guerre contre Henri IV, convoque les États généraux en janvier 1593, dans le but d’élire un nouveau roi. Mais il est déjoué : les États négocient avec le parti du roi, obtiennent une trêve, puis sa conversion. Encouragé par l'amour de sa vie, Gabrielle d'Estrées, et surtout très conscient de l'épuisement des forces en présence, tant au niveau moral que financier, Henri IV, en fin politique, choisit d'abjurer la foi calviniste. Le 4 avril 1592, par une déclaration connue sous le nom d'« expédient », Henri IV annonce son intention d'être instruit dans la religion catholique.

Henri IV abjure solennellement le protestantisme, le 25 juillet 1593 en la basilique Saint-Denis. On lui a prêté, bien à tort, le mot selon lequel « Paris vaut bien une messe » (1593)[25], même si le fond semble plein de sens[26]. Afin d’accélérer le ralliement des villes et des provinces (et de leurs gouverneurs), il multiplie les promesses et les cadeaux, pour un total de 25 000 000 de livres. L’augmentation des impôts consécutive (multiplication par 2,7 de la taille) provoque la révolte des croquants dans les provinces les plus fidèles au roi, Poitou, Saintonge, Limousin et Périgord[27].

Au début de 1594, Henri IV assiège avec succès Dreux puis il est sacré le 27 février 1594 en la cathédrale de Chartres : il est le seul roi de France sacré dans cette cathédrale et non pas à Reims, Reims et Paris étaient en effet tenus par l'armée de la Ligue. Son entrée dans Paris le 22 mars 1594 et, pour finir, l'absolution accordée par le pape Clément VIII le 17 septembre 1595, lui assurent le ralliement progressif de toute la noblesse et du reste de la population, malgré des réticences très fortes des opposants les plus exaltés, tel ce Jean Châtel qui tente d'assassiner le roi près du Louvre le 27 décembre 1594. Il bat de manière définitive l'armée de la Ligue à Fontaine-Française[28].

La guerre contre l'Espagne

En 1595, Henri IV déclare officiellement la guerre contre l'Espagne. Le roi éprouve alors d'énormes difficultés à repousser les attaques espagnoles en Picardie. La prise d'Amiens par les Espagnols et le débarquement d'une troupe hispanique en Bretagne où le gouverneur Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, cousin des Guise et beau-frère du feu roi Henri III ne reconnaît toujours pas Henri IV pour roi, laisse celui-ci dans une situation périlleuse.

Le roi perd également l'appui de la noblesse protestante. À l'imitation de La Tremoille et de Bouillon, elle s'abstient de paraître au combat. Choqués par sa conversion et par les nombreuses personnalités qui l'imitent, les protestants en plein désarroi reprochent au roi de les avoir abandonnés. Ils se réunissent régulièrement en assemblée pour réactiver leur organisation politique. Ils vont jusqu'à se saisir de l'impôt royal pour leur propre compte[29].

Après avoir soumis la Bretagne et avoir repris Amiens aux Espagnols, Henri IV signe le 13 avril 1598, l'Édit de Nantes. Les deux armées étant à bout de forces, le 2 mai 1598 est signée la paix de Vervins entre la France et l'Espagne. Après plusieurs décennies de guerres civiles, la France connaît enfin la paix.

Roi de France : la pacification

Le mariage

Portrait de Marie de Médicis.

Henri IV approche de la cinquantaine et n'a toujours pas d'héritier légitime. Depuis quelques années, Gabrielle d'Estrées partage sa vie mais, n'appartenant pas à une famille régnante, elle ne peut guère prétendre devenir reine. Se comportant tout de même comme telle, Gabrielle suscite de nombreuses critiques, tant de l'entourage royal que des pamphlétaires, qui la surnomment la "duchesse d'Ordure". Sa mort survenue brutalement en 1599, sans doute d'une éclampsie puerpérale, permet au roi d'envisager de prendre une nouvelle épouse digne de son rang.

En décembre 1599, il obtient l'annulation de son mariage avec la reine Marguerite, et épouse, à Lyon, le 17 décembre 1600, Marie de Médicis, fille de François Ier de Médicis et de Jeanne d'Autriche, et nièce de Ferdinand Ier, grand-duc de Toscane alors régnant. La naissance d'un dauphin l'année suivante assure l'avenir de la dynastie de Bourbon.

Henri IV compromet son mariage et sa couronne en poursuivant sa relation extraconjugale, commencée peu de temps après la mort de Gabrielle d'Estrées, avec Henriette d'Entragues, jeune femme ambitieuse, qui n'hésite pas à faire du chantage au roi, pour légitimer les enfants qu'elle a eus de lui. Ses requêtes repoussées, Henriette d'Entragues complote à plusieurs reprises contre son royal amant.

En 1609, après plusieurs autres passades, Henri se prendra de passion pour une jeune fille Charlotte Marguerite de Montmorency.

Reconstruction et pacification du royaume

Henri IV

Henri IV s'appuie, pour gouverner, sur des ministres et conseillers compétents comme le baron de Rosny, futur duc de Sully, le catholique Villeroy et l'économiste Barthélemy de Laffemas. Les années de paix permettent de renflouer les caisses. Henri IV fait construire la grande galerie du Louvre qui relie le palais aux Tuileries. Il met en place une politique d'urbanisme moderne. Il poursuit ainsi la construction du Pont Neuf commencé sous son prédécesseur. Il fait bâtir à Paris deux nouvelles places, la place Royale (aujourd'hui Place des Vosges) et la place Dauphine.

Son règne voit cependant le soulèvement des paysans dans le centre du pays et le roi doit intervenir à la tête de son armée. En 1601, le traité de Lyon établit un échange territorial entre Henri IV et Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie : le duc céda à la France les territoires de la Bresse et du Bugey et en plus les pays de Gex et de Valromey, de plusieurs siècles possession du Duché de Savoie, au lieu du marquisat de Saluces, situé en territoire transalpin. Après le traité, Henri IV doit faire face à plusieurs complots dirigés depuis l'Espagne et la Savoie. Il fait ainsi exécuter le duc de Biron et embastiller le duc d'Angoulème, le dernier des Valois, fils bâtard de Charles IX.

Pour rassurer les anciens partisans de la Ligue, Henri IV favorise également l'entrée en France des jésuites qui pendant la guerre avaient appelé à l'assassinat du roi, crée une « caisse des conversions » en 1598[30]. Il se réconcilie avec le duc de Lorraine Charles III et marie avec le fils de celui-ci, sa sœur Catherine de Bourbon. Henri IV se montre fervent catholique —sans être dévot– et pousse sa sœur et son ministre Sully à se convertir (aucun d'eux ne le fera).

Une période d'essor économique et des arts et métiers

Petit à petit, la France doit être remise en état. La production agricole retrouve son niveau de 1560 en 1610. Le désir de paix est unanime : il favorise la mise en place de l’édit de Nantes, la reconstruction, dans le Languedoc et le Nord de la France, a un effet d’entraînement sur toute l’économie.

La manufacture des Gobelins est créée, les arts et techniques encouragés. Barthélemy de Laffemas et le jardinier nîmois François Traucat s'inspirent des travaux de l'agronome protestant Olivier de Serres et jouent un rôle majeur dans l'histoire de la soie en faisant planter des millions de mûriers dans les Cévennes, à Paris et d'autres régions.

Le Canal de Briare reliant la Seine et la Loire pour le développement agricole est le premier canal de transport fluvial creusé en France. D'autres projets sont préparés mais ensuite abandonnés à la mort d'Henri IV. Le roi n'institua pas la poule au pot comme le plat national français comme on l'a dit. Mais dans une querelle avec le duc de Savoie, il aurait prononcé son désir que chaque laboureur ait les moyens d'avoir une poule dans son pot. Le duc de Savoie, en visite en France, apprenant que les gardes du roi ne sont payés que quatre écus par mois, propose au roi, de leur offrir à chacun un mois de paye ; ce à quoi le roi, humilié, répond qu'il pendra tous ceux qui accepteront, et évoque alors son souhait de prospérité pour les Français, symbolisé par la poule au pot[31]. Son ministre Sully explique dans ses mémoires intitulés Les Oeconomies royales sa conception de la prospérité de la France, liée au développement de l'agriculture : « pâturage et labourage sont les deux mamelles de la France. »

La société reste cependant violente : les soldats congédiés forment des bandes organisées militairement qui écument les campagnes, et qui doivent être poursuivies militairement pour disparaître progressivement dans les années 1600. La noblesse reste elle aussi violente : 4 000 morts par duel en 1607, les enlèvements de jeunes filles à marier provoquent des guerres privées, où là aussi le roi doit intervenir[32].

Implantation française en Amérique

Dans la continuité de ses prédécesseurs, Henri soutient les expéditions navales en Amérique du Sud et favorise le projet d'une implantation au Brésil[33]. Mais c'est en Nouvelle-France que les Français parviennent à se fixer durablement. Dès 1599, le roi accorde le monopole du commerce des fourrures à Tadoussac, en Nouvelle-France, à François Dupont-Gravé et à Pierre Chauvin. Par la suite, Henri IV donne le monopole du commerce des fourrures et charge Pierre Dugua de Mons (un protestant) de monter une expédition, sous les ordres de Samuel de Champlain, d'établir un poste français en Acadie. Ce sera en premier sur l'île Sainte-Croix (maintenant Dochet Island au Maine), en 1604 et par la suite à Port-Royal, en Nouvelle-France au printemps 1605. Mais le monopole est révoqué en 1607, ce qui mettra fin à la tentative de peuplement. Le roi charge Samuel de Champlain de lui faire rapport de ses découvertes. En 1608, le monopole est rétabli pour un an seulement. Champlain est envoyé, avec François Dupont-Gravé, pour fonder Québec, qui est le départ de la colonisation française en Amérique, pendant que de Mons reste en France pour faire prolonger le monopole.

L'assassinat

L'assassinat de Henri IV, rue de la Ferronnerie à Paris

La fin du règne de Henri IV est marquée par les tensions avec les Habsbourg et la reprise de la guerre contre l'Espagne. Henri IV intervient dans la querelle qui oppose l'empereur de confession catholique aux princes allemands protestants qu'il soutient, dans la succession de Clèves et de Juliers. La fuite du prince de Condé en 1609 à la cour de l'infante Isabelle ravive les tensions entre Paris et Bruxelles. Henri IV estime son armée prête à reprendre le conflit qui s'était arrêté dix ans plus tôt.

Le déclenchement d'une guerre européenne ne plaît ni au pape, soucieux de la paix entre princes chrétiens, ni aux sujets français, inquiets de leur tranquillité. Ne pouvant accepter une alliance avec des princes protestants contre un souverain catholique, des prêtres ravivent par leurs sermons les esprits échauffés des anciens Ligueurs. Le roi voit également un parti qui s'oppose à sa politique au sein même de l'entourage de la reine. Le roi est dans une position fragile qui n'est pas seulement le fait des catholiques, puisque les protestants cherchent à maintenir en dépit de l'édit de Nantes leurs privilèges politiques.

Tout en préparant la guerre, on s'apprête au couronnement officiel de la reine à Saint-Denis qui se déroule le 13 mai 1610. Le lendemain, Henri IV meurt assassiné par François Ravaillac, un catholique fanatique, dans la rue de la Ferronnerie à Paris. L'enquête conclura à l'action isolée d'un déséquilibré. Henri IV est enterré à la basilique Saint-Denis le 1er juillet 1610, à l'issue de plusieurs semaines de cérémonies funèbres. Son fils aîné Louis (Louis XIII), âgé de neuf ans, lui succède, sous la régence de sa mère la reine Marie de Médicis.

Enfants

Henri IV eut six enfants de son mariage avec Marie de Médicis :

Descendants illégitimes

Henri IV eut également au moins 12 enfants illégitimes :

Ascendance

Ascendance de Henri IV
Henri IV Père : Antoine de Bourbon Grand-père paternel : Charles IV de Bourbon Arrière-grand-père paternel : François de Bourbon-Vendôme (1)
Arrière-grand-mère paternelle :Marie de Luxembourg
Grand-mère paternelle :Françoise d'Alençon Arrière-grand-père paternel : René d'Alençon (2)
Arrière-grand-mère paternelle :Marguerite de Lorraine-Vaudémont
Mère : Jeanne de Navarre Grand-père maternel : Henri II de Navarre Arrière-grand-père maternel : Jean III de Navarre
Arrière-grand-mère maternelle :Catherine de Navarre
Grand-mère maternelle :Marguerite de France(4) Arrière-grand-père maternel : Charles d'Orléans (3)
Arrière-grand-mère maternelle :Louise de Savoie

(1) jusqu'à Saint-Louis à la 10e génération par la lignée mâle
(2) jusqu'à Saint-Louis à la 10e génération par la lignée mâle de la branche Valois-Alençon
(3) jusqu'à Saint-Louis à la 11e génération par la lignée mâle de la branche Valois-Orléans
(4) sœur de François Ier de France

La légende du bon roi Henri

Statue d'Henri IV à l'entrée du château de Pau

Un culte tardif

Car plus que de légende, il s'agit bien d'un véritable culte qui lui fut rendu dès le XVIIIe siècle. Car c'est au XVIIIe siècle que s'est formée et développée la légende du bon roi Henri. Icôneimage d'Épinal. En l'honneur d'Henri IV, VoltaireLa Henriade. devenue si populaire qu'elle en est restée une écrit en 1728 un poème intitulé

Malgré cette image positive, son tombeau de Saint-Denis n'échappe pas à la profanation en 1793, due à la haine des symboles monarchiques sous la Révolution française. La Convention avait ordonné l'ouverture de toutes les tombes royales pour en extraire les métaux. Le corps d'Henri IV est le seul de tous les rois à être trouvé dans un excellent état de conservation en raison de son exsanguination. Il est exposé aux passants, debout, durant quelques jours. Les dépouilles royales sont ensuite jetées, pêle-mêle, dans une fosse commune au nord de la basilique, excepté quelques morceaux de dépouilles qui sont conservés chez des particuliers. Louis XVIII ordonnera leur exhumation et leur retour dans la crypte, où elles se trouvent encore aujourd'hui.

Dès 1814, on pense à rétablir la statue équestre du roi détruite sous la Révolution. Fondue en 1818, la nouvelle statue équestre a été réalisée à partir du bronze de la statue de Napoléon de la colonne Vendôme. Le siècle romantique pérennisera la légende du Bon Roy Henry, roi galant, brave et bonhomme, jouant à quatre pattes avec ses enfants et grand chantre de la fameuse Poule-au-pot.

En fait, l'État avait, après les troubles récents, grand besoin de restaurer, une image positive de la Monarchie ; Chilpéric et Charlemagne semblaient trop lointains ; les Louis : … VII, VIII, X, XIILouis IX jugé, sans doute, trop hautain (et/ou trop religieux). Les autres Louis : XI, XIII, XIV, etc. éveillaient de bien mauvais souvenirs… Il fallait donc dans une véritable opération « publicitaire » trouver un monarque qui recueillît le maximum de suffrages : « le bon Roy » tint ce rôle pour la postérité. étaient trop obscurs (ou mieux trop pâles) ;

Le château de Pau continue de cultiver la légende du bon roi Henri. On peut encore y voir son berceau fait d'une carapace de tortue de mer. C'est dans la tradition béarnaise que son premier baptême se fit : ses lèvres furent humectées de vin de Jurançon et frottées d'ail, ceci pour lui donner force et vigueur. Son surnom de « Vert-galant », qu'il doit à son ardeur envers ses nombreuses maîtresses, semble confirmer cela[35].

Plus récemment, l'historiographie contemporaine a rétabli l'image d'un roi qui fut peu apprécié par ses sujets et qui eut beaucoup de mal à faire accepter sa politique. De plus, ses allées et venues d'une confession à l'autre, l'abjuration d'août 1572 et celle solennelle du 25 juillet 1593, lui valurent l'inimitié des deux camps. Ce roi en avait bien conscience et on lui prête vers la fin de sa vie les paroles suivantes : « Vous ne me connaissez pas maintenant, vous autres, mais je mourrai un de ces jours, et quand vous m'aurez perdu, vous connaîtrez lors ce que je valais»[36].

Un objet de haine

Avant d'être aimé du peuple, Henri IV fut donc l'un des rois les plus détestés, son effigie brûlée et son nom associé au diable. À cause du martèlement quotidien des prêtres ligueurs durant la dernière guerre de religion, on dénombre pas moins d'une douzaine de tentatives d'assassinat[37],[38] contre lui, dont le batelier orléanais Pierre Barrière arrêté à Melun (armé avec intention déclarée) le 27 août 1593 et qui fut roué et brulé sur la place du Martroy à Melun[39] et Jean Châtel qui, lui, blessa le roi au visage rue saint-Honoré, chez sa maîtresse, le 27 décembre 1594[40]. Son assassinat par Ravaillac est même vécu par certains comme une délivrance, au point qu'une rumeur d'une nouvelle Saint-Barthélemy se répand durant l'été 1610[41].

Attaques incessantes : physiques ou morales ou religieuses… sans même parler de l'affaire Marthe Brossier grossièrement montée par la Ligue (voir la : « Nouvelle collection des mémoires pour servir à l'histoire de France », de Joseph Fr. Michaud, Jean Joseph François Poujoulat - 1838 - France).

Une popularité (essentiellement) posthume

La popularité croissante du roi peut tenir à son attitude lors des sièges : il veille à ce que les villes prises ne soient pas pillées, et leurs habitants épargnés (et ce, dès le siège de Cahors en 1580). Il se montre magnanime également avec ses anciens ennemis ligueurs, notamment après la reddition de Paris. Il préfère acheter les ralliements, que faire la guerre pour conquérir son royaume. L'historiographie contemporaine a également confirmé l'attachement réel du roi pour le catholicisme après sa conversion, malgré un recul marqué à l'égard des dogmes religieux qu'ils soient catholiques ou protestants.

Ayant été le dernier comte de Foix, Henri IV est à ce titre resté un roi d'une grande importance pour les Ariégeois et souvent cité dans l'histoire locale[42].

La chanson Vive Henri IV ! qui a été écrite en son honneur a été durablement populaire en France à partir de 1774. Sous la Restauration, son air est fréquemment joué dans les cérémonies se déroulant hors de la présence du Roi et de la famille royale. Il fait alors figure de chanson quasi-officielle de la monarchie.

Redécouverte de la tête du roi Henri IV

Tête d'Henri IV : front haut, nez fort, menton quadrangulaire et proéminent.

Le corps d'Henri IV est jeté comme les autres dans une fosse commune sous des boisseaux de chaux vive lors de la profanation des tombes de la basilique Saint-Denis en 1793. Louis XVIII« portions inférieures » de trois corps sont identifiables, d'où l'opinion qu'il manque trois têtes[43]. Dès cette époque, des rumeurs courent que la tête embaumée d'Henri IV aurait été séparée au moment de la profanation (un témoin oculaire parle des révolutionnaires placant verticalement le corps d'Henri IV contre un mur et une femme le souffletant, puis un sans-culotte tranchant la tête du roi « frappé à coups de sabre et mis en pièce »[44], un autre évoque un médecin emportant son crâne) et aurait disparu - mais aucun document d'époque n'atteste cet hypothétique larcin. Sa trace aurait ensuite été retrouvée au XIXe siècle dans la collection privée d'un comte allemand, le comte d'Erbach[45], puis le 31 octobre 1919 aux enchères à l'Hôtel Drouot lorsqu'un brocanteur montmartrois fantasque, Joseph-Émile Bourdais, achète une tête momifiée lors de la vente de la succession d'Emma Nallet-Poussin, artiste peintre de Montmartre, pour la somme modique de 3 francs. Le brocanteur tentera toute sa vie, en vain, de prouver scientifiquement qu'il s'agit bien de la « tête momifiée dite d'Henri IV », notamment en réalisant des radiographies, des moulages ou en exposant la tête momifiée aux badauds dans la rue ou à ses invités dans son domicile. Il la montre aussi dans « un petit musée de Montmartre avant de la proposer au Louvre... qui la refusa, doutant de son authenticité », précise Jacques Perot, ancien conservateur du château de Pau où était né Henri IV[46].
Les journalistes documentaristes Stéphane Gabet et Pierre Belet, férus d'histoire, souhaitent réaliser un documentaire[47] sur Henri IV à l'occasion de la commémoration du quadricentenaire de sa mort. À cet effet, ils contactent l'historien qui fait autorité sur l’époque d’Henri IV, Jean-Pierre Babelon, qui leur fait part d'une anecdote folklorique sur le roi : plusieurs années auparavant, Jacques Bellanger, un fonctionnaire retraité qui avait acheté cette tête momifiée prétendument arrachée au corps du roi 5 000 francs à la sœur de Joseph-Émile Bourdais en 1955, la conservait depuis dans une armoire dans son grenier. Jacques Bellanger ayant contacté Jean-Pierre Babelon pour identifier cette tête, les journalistes apprennent donc cette histoire et convainquent le retraité, au bout d'un an de correspondance, de leur confier la tête pour la faire authentifier[48].
décide de ramener dans la basilique les restes de ses prédécesseurs le 19 janvier 1817 : à cet effet, les ossements sont récupérés dans la fosse mais seules les

Une étude paléopathologique réalisée par une équipe multidisciplinaire de scientifiques menés par le médecin légiste Philippe Charlier[49] et publiée par le British Medical Journal en 2010 a réalisé les examens suivants sur la tête : datation au carbone 14 qui fait remonter le crâne à une période comprise entre 1450 et 1650, étude anthropologique (âge, sexe, ethnie,) correspondances anatomiques (lésion pigmentaire à l'aile du nez compatible avec un nævusBourbon, trou de boucle d'oreille (une gravure du château de Chantilly le montre avec ce bijou), lésion osseuse à la bouche comme l'estafilade due à la tentative de meurtre par Jean Châtel, couleur des cheveux, de la barbe et de la moustache aux poils roux et blancs mêlés, trois sections post mortem par arme blanche au niveau du cou, mauvais état de la dentition ante mortem[50], études anthropométriques par des superpositions faciales réalisées par tomographie assistée par ordinateur, se basant notamment sur le moulage de son masque mortuaire en plâtre - appelé le « double du roi » - conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève[51]), analyses toxicologiques (le plomb retrouvé a le même profil isotopique que celui tapissant son cercueil et qu'une dent, relique d'Henry IV au musée de Musée Tavet-Delacour[52]), technique d'embaumement[53] : le crâne n'a été ni scié, ni trépané (technique habituellement utilisée par le chirurgien d'Henri IV, Jacques Guillemeau qui rédige le 15 mai 1610 le protocole d'autopsie du roi[54]) ou perforé (percement de l'ethmoïde ou percement latéral du crâne) comme cela était l'usage à l'époque (Alexandre Lenoir et Dom Germain Poirier, témoins de ces profanations, précisent pourtant dans le Musée des monuments français en 1801 que la tête d'Henri IV a été sciée et la cervelle remplacée par de l'étoupe et des aromates[55]) mais aurait été « embaumé avec l’art des Italiens » par Pierre Pigray sous la recommandation de Marie de Médicis (technique sans craniotomie[56] qui consiste à bourrer le corps d'aromates et momifier la tête avec le noir animal, comme c'est le cas pour Louis XIII ou Anne d'Autriche)[57][58] (noir animal révélé par la spectroscopie Raman) pour protéger le cadavre de la putréfaction. Cette étude ayant trouvé trente points de concordance confirmerait que l'identité de la tête embaumée est bien celle du roi Henri IV avec « 99,99% de certitude »[59]. Plusieurs journalistes et historiens comme Franck Ferrand, Philippe Delorme et Joël Cornette (ils regrettent que le test ADN soit inexploitable par sa longue exposition au sarcophage au plomb du cercueil qui empêcherait la lecture de l'ADN mitochondrial, aucun échantillon de prélévé n'étant vierge de toute contamination ; ils constatent que le parcours de la tête depuis 1793 a connu bien des vicissitudes) ou des paléoanthropologues (remettant en cause la réalité de l'« art des Italiens » ou la correspondance des superpositions faciales)[60] remettent en cause ce degré de certitude[61]. caractéristique des en le laissant intact (cette tête n'est en effet pas excérébrée, le cerveau et les méninges étant momifiés)

En 2011, l'attribution ostéo-archéologique définitive de la tête à Henri IV a été suivie de sa remise au prince Louis-Alphonse de Bourbon qui l'a placé dans un coffre-fort d'une banque parisienne et devrait la céder au président de la République en lui demandant les autorisations ministérielles pour sa réinhumation dans la basilique de Saint-Denis. La Maison d'Orléans voit d'un mauvais œil cette initiative de la branche rivale des Bourbons d'Espagne [62].

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