mardi 13 mars 2012

L'industrie nucléaire croit en son avenir

Un an après le désastre de Fukushima, le monde de l'atome civil guette tous les signes positifs. Il en a reçu un, le 9 février, quand la Nuclear Regulatory Commission (NRC), le "gendarme" américain du nucléaire, a donné son feu vert à la construction de deux nouveaux réacteurs dans l'Etat de Géorgie. C'est la première autorisation depuis l'accident de la centrale de Three Mile Island (1979), s'est félicité Aris Candris, patron de Westinghouse, qui fournira deux AP1000. Et il attend deux commandes supplémentaires en Caroline du Sud.

La "renaissance" aux Etats-Unis s'arrêtera probablement là. Sans triomphalisme mais sans complexe, les industriels sont pourtant unanimes : la catastrophe de Fukushima a eu un impact limité sur leur activité, même si elle les a poussés à revoir de fond en comble la sûreté des centrales nucléaires, ce qui pèsera assez peu sur le coût final de l'électricité produite. Quelques pays (Allemagne, Suisse, Italie) ont définitivement tourné la page, note le Conseil mondial de l'énergie (CME), mais la plupart ont décidé de poursuivre leur programme. Et les pays émergents affichent toujours leur volonté de développer cette source de production d'électricité (Chine, Inde, Vietnam, Afrique du Sud, Turquie, Arabie saoudite, Brésil, Bangladesh...).


"Environ 50 pays exploitent, construisent ou envisagent de construire des centrales, dont la moitié sont des "nouveaux venus"", a calculé le CME dans le bilan post-Fukushima qu'il vient de publier. Sur 437 réacteurs en service dans le monde, 8 ont été définitivement fermés en Allemagne et 54 mis temporairement à l'arrêt au Japon. Mais 4 viennent d'être mis en service et 61 sont en construction. Chez Areva, on veut croire que seule une quinzaine de réacteurs nippons sera finalement mise au rancart.

Le numéro deux du groupe nucléaire a fait le compte. "Le nombre de centrales en chantier dépasse celui des centrales arrêtées", explique Philippe Knoche. En outre, le carnet de commandes a augmenté entre 2010 et 2011 pour atteindre 45 milliards d'euros. Le groupe table sur une croissance de son activité nucléaire de 2 % à 3 % par an dans les prochaines années. "Le risque, reconnaît M. Knoche, c'est que le Japon ne redémarre pas ses 54 réacteurs." Ce serait alors près de 15 % de la puissance installée dans le monde qui serait effacé.

"Malgré Fukushima, l'industrie nucléaire continue", résume le président de la WANO, l'Organisation mondiale des opérateurs nucléaires. Laurent Stricker souligne que les exigences de sûreté doivent être renforcées et que "la WANO va mettre l'accent sur les réacteurs en construction, car on s'est rendu compte que les accidents surviennent dans les premiers mois ou les premières années d'exploitation, quand les opérateurs sont plus ou moins expérimentés". L'association va renforcer ses liens avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Francis Sorin, responsable de l'information à la Société française d'énergie nucléaire (SFEN), rappelle que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) n'a revu qu'à la marge ses prévisions pour 2035. De 379 gigawatts (GW) installés en 2011 (1 GW = 1 000 mégawatts), la capacité installée passerait à 630 GW en 2035 (+ 60 %), soit 20 GW de moins que prévu avant Fukushima. Ce qui n'augmentera pas sa part dans la production mondiale d'électricité (13 %). Largement dominée par le charbon et le gaz, cette part devrait même se réduire.

Les industriels connaissent la dimension très politique du nucléaire : sans soutien du gouvernement, il ne peut se développer. Dès qu'il lui est retiré, comme en Allemagne, il disparaît. Une hypothèque politique qui met cette industrie très capitalistique dans une situation périlleuse, les nouveaux réacteurs ayant vocation à fonctionner près de cent ans.

Les chiffres de nouvelles centrales sont des projections qui doivent être prises avec prudence. Rien ne dit, par exemple, que la Chine atteindra son objectif de passer de 10 GW à 80 GW en 2020. Avant l'accident de Fukushima, les coûts du nucléaire ne cessaient déjà de grimper, réduisant sa compétitivité par rapport à d'autres sources d'énergie. Avec les réticences, voire l'hostilité de l'opinion, c'est l'une des principales hypothèques pesant sur l'avenir du secteur. Ce n'est pas un hasard si le français EDF est réticent à promouvoir l'EPR d'Areva, qui coûte environ 6 milliards d'euros, et que ses dirigeants ne cachent plus leur volonté de construire aussi à l'étranger un réacteur de troisième génération développé avec son partenaire chinois CGNPC.

Jean-Michel Bezat

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