samedi 10 mars 2012

Jean Jaurès

Jean Jaurès est un homme politique français, né à Castres (Tarn) le 3 septembre 1859 et mort assassiné à Paris le 31 juillet 1914 par Raoul Villain. Orateur et parlementaire socialiste, il s'est notamment illustré par son pacifisme et son opposition au déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Jean JAURES --- Cliquer pour agrandir

(1859-1885) : Jeunesse et formation de Jean Jaurès à Castres dans le sud du Tarn


Statue de Jean Jaurès à Castres où il naquit en 1859

Jean Jaurès, de son nom d'état civil Auguste Marie Joseph Jean Léon Jaurès, est né à Castres en 1859 dans une famille de la petite bourgeoisie du Tarn (dont sont issues quelques brillantes carrières comme celle de Benjamin Jaurès, amiral et ministre de la marine en 1889). Son père, Jules Jaurès (1819-1882), négociant[1], n'a pas réussi et se replie sur une petite exploitation agricole de 6 ha dans laquelle son fils passe son enfance et son adolescence jusqu'à l'âge de 17 ans. C'est une époque où il connaît, non pas la misère, mais peut-être une certaine gêne qui lui fait toucher du doigt les difficultés du peuple[2]. Sa mère, Adélaïde Barbaza (1822-1906), s'occupe de l'éducation des deux enfants du couple : Jean l'aîné, et Louis (1860-1937) qui devint amiral et député républicain-socialiste.

Brillant élève, Jean Jaurès fait ses études au lycée Louis-le-Grand. En 1878, il est reçu premier à l'École normale supérieure en philosophie, devant Henri Bergson. En 1881, il termine troisième à l'agrégation de philosophie.

Devenu professeur, Jaurès enseigne tout d'abord au lycée Lapérouse d'Albi, puis rejoint Toulouse en 1882 pour exercer comme maître de conférences à la faculté des lettres. Il donne également un cours de psychologie au lycée de jeunes filles de cette même ville.

Il se marie le 29 juin 1886 avec Louise Bois (1867-1931), fille d'un marchand de fromages en gros d'Albi, avec qui il a deux enfants :

1885-1898 : La progressive adhésion au socialisme

Jean Jaurès, formé intellectuellement durant la difficile naissance de la IIIe République, entre en politique à 25 ans comme candidat républicain aux élections législatives de 1885. Il est élu[7] et siège à l'assemblée nationale parmi les républicains « opportunistes » où il soutient le plus souvent Jules Ferry. En 1889, Jean Jaurès n'est pas réélu.

Privé de son mandat de député en 1889, Jean Jaurès reprend son enseignement à la faculté de Toulouse. Il est reçu docteur en philosophie en 1892 avec sa thèse principale De la réalité du monde sensible et sa thèse secondaire en latin, Des origines du socialisme allemand chez Luther, Kant, Fichte, et Hegel[8]. Jean Jaurès continue également son activité politique. À partir de 1887, il collabore au journal la Dépêche du Midi (alors appelée Dépêche de Toulouse) de tendance radicale. Il devient conseiller municipal sur les listes radicales-socialistes, puis maire adjoint à l'instruction publique de Toulouse (1890-1893). Ses travaux intellectuels, son expérience d'élu local, sa découverte des milieux ouvriers et des militants socialistes, l'orientent vers le socialisme. Cette évolution s'achève avec la grève des mineurs de Carmaux.

En 1892, quand éclate la grande grève des mineurs de Carmaux, Jean Jaurès est à l'écart de la vie politique nationale. L'origine du conflit est le licenciement de Jean-Baptiste Calvignac - ouvrier mineur, leader syndical et socialiste qui venait d'être élu maire de Carmaux le 15 mai 1892 - par la Compagnie des mines que dirigent le Baron Reille]], président du conseil d'administration (l'homme fort de la droite tarnaise) et son gendre Ludovic de Solages, membre de ce même conseil (député de la circonscription depuis septembre 1889), propriétaire de mines et de verreries. Le prétexte motivant le licenciement se trouve dans les absences de Jean-Baptiste Calvignac causées par ses obligations d'élu municipal. Ce licenciement est considéré par les mineurs comme une remise en cause du suffrage universel et des droits réels de la classe ouvrière à s'exprimer en politique.

Les ouvriers se mettent en grève pour défendre « leur » maire. Le président Sadi Carnot envoie l'armée (1 500 soldats) au nom de la « liberté du travail ». En plein scandale de Panamá, la République semble ainsi prendre le parti du patronat contre les grévistes.

Dans ses articles à la Dépêche, Jean Jaurès soutient, aux côtés de Georges Clemenceau, la grève. Il accuse la République d'être aux mains de députés et ministres capitalistes favorisant la finance et l'industrie aux dépens du respect des personnes. Durant cette grève, il fait l'apprentissage de la lutte des classes et du socialisme. Arrivé intellectuel bourgeois, républicain social, Jean Jaurès sort de la grève de Carmaux acquis au socialisme.

Sous la pression de la grève et de Jaurès, le gouvernement arbitre le différend Société des Mines de Carmaux-Calvignac au profit de l'ouvrier Calvignac en lui donnant un congé illimité pour qu'il exerce ses fonctions de maire. Solages démissionne de son siège de député et provoque l'élection anticipée de janvier 1893. Jaurès est alors désigné par les ouvriers du bassin pour les représenter à la Chambre. Il est élu le 8 janvier 1893 comme socialiste indépendant malgré les votes ruraux de la circonscription.

Désormais, Jean Jaurès représente à la chambre des députés les mineurs de Carmaux. Il milite avec ardeur contre les lois scélérates. Surtout, Jaurès se lance dans une incessante et résolue défense des ouvriers en lutte. Il défend les verriers d'Albi, renvoyés par leur patron Rességuier. Ce qui lui vaut l'ouverture d'une information judiciaire pour entrave à la liberté de travail, abandonnée fin 1895. C'est aussi à l'occasion de la découverte de fonds venant de hauts lieux chez un anarchiste de retour de Carmaux[pas clair] qu'il se lance dans un discours à la Chambre, le 30 avril 1894, dans lequel il dénonce la politique répressive du gouvernement, la censure du Père Peinard, « consacré presque tout entier à injurier les députés socialistes », le deux poids- deux mesures avec, d'un côté, la censure des journaux et députés socialistes, de l'autre la tolérance de discours également contestataires de certains catholiques (Albert de Mun, l'article « La Bombe » dans La Croix de Morlay, les articles de La Croix ou l'article du Père Marie-Antoine publié dans L'Univers puis dans L'En-dehors et titré « Le Christ et la Dynamite », qui évoquait la propagande par le fait) et enfin l'usage des agents provocateurs :

C’est ainsi que vous êtes obligés de recruter dans le crime de quoi surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère et dans l’anarchie de quoi surveiller l’anarchie. (Interruptions au centre. — Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)
Et il arrive inévitablement que ces anarchistes de police, subventionnés par vos fonds, se transforment parfois — comme il s’en est produit de douloureux exemples que la Chambre n’a pas pu oublier — en agents provocateurs[9].

Et d'évoquer un certain Tournadre, actif lors des grèves de 1892, qui avait proposé aux ouvriers de Carmaux des fonds pour acheter de la dynamite et éventuellement de s'enfuir ensuite en Angleterre : or, selon Jaurès, alors que Tournadre avait répondu aux ouvriers qu'il avait des « amis capitalistes à Paris », les perquisitions menées chez Tournadre à Carmaux avaient conduit à la découverte de deux lettres, l'une du baron de Rothschild, l'autre de la duchesse d'Uzès[9] [10]. Malgré ce discours, la Chambre vota dans une large majorité la confiance au gouvernement. Dans le sillage de la grève de Carmaux, il participe à la fondation de la Verrerie ouvrière d'Albi, premier grand exemple d'entreprise autogérée.

Dans le Languedoc viticole, il visite les « vignerons libres de Maraussan » qui créent la première cave coopérative. Aux élections de 1898, il est battu par le marquis Jérôme de Solages, héritier du fondateur de la Compagnie de Carmaux.

Au début de l'affaire Dreyfus, Jaurès est convaincu de la culpabilité du capitaine Dreyfus. Jaurès utilise même la sentence de déportation, qu'il juge clémente, pour dénoncer l'incohérence de la justice militaire dans un discours à l'assemblée[11]. Face à la campagne de révision, Jaurès reste donc au départ en retrait. Mais, en 1898, Jean Jaurès est convaincu de l'innocence de Dreyfus par le J'accuse de Zola et par ses conversations avec la jeune promotion normalienne (en particulier Lucien Herr) et avec des militants allemanistes (socialistes révolutionnaires) qu'il estime.

Jean Jaurès s'engage alors avec passion dans la défense de Dreyfus. Pour lui, l'affaire est non seulement un problème de justice individuelle, mais surtout de respect de l'humanité elle-même. En effet, elle pose le problème du mensonge et de l'arbitraire des grandes institutions, notamment de l'armée qui entend avoir une « justice » séparée. En outre, elle est utilisée par les droites catholique et nationaliste pour renverser la République[12],[13]. Il s'oppose alors à certains autres socialistes, dont Jules Guesde pour qui Dreyfus est un officier bourgeois dont la défense ne serait pas prioritaire (le souvenir de la répression sanglante de la Commune de Paris, et d'autres révoltes ouvrières, est pour beaucoup dans la défiance de militants ouvriers envers la cause d'un officier).

Mais pour Jaurès, l'accablement de malheurs et d'injustices dont Dreyfus est victime font de lui un homme qui souffre des persécutions de la caste militaire, qui est le « gardien armé du Capital », et donc l'ennemi du prolétariat[14].

Avec l'affaire Dreyfus, Jaurès devient un homme politique à l'influence nationale.

Battu aux élections de 1898 (l'installation de la Verrerie ouvrière à Albi et son ardente défense de Dreyfus ont provoqué sa défaite), Jaurès se consacre au journalisme et devient co-directeur de La petite république un journal socialiste républicain. C'est dans les colonnes de ce journal qu'il publie Les preuves relatives à l'affaire Dreyfus. Par ses articles, il soutient le gouvernement Waldeck Rousseau de Défense républicaine, qui associe à son action, pour la première fois dans l'histoire de la République, un socialiste, Alexandre Millerand, nommé au commerce et à l'industrie. Parallèlement, il dirige une Histoire socialiste de la France contemporaine (Éditions Rouff) pour laquelle il rédige les volumes consacrés à la Révolution française (1901-1903).

En 1902, Jean Jaurès participe à la fondation du Parti socialiste français. La même année, il parvient à reconquérir le siège de député de Carmaux qu'il conserve d'ailleurs jusqu'à sa mort (réélu en 1906, 1910 et 1914). Son talent d'orateur lui permet de devenir le porte-parole du petit groupe socialiste de l'Assemblée nationale.

Jaurès et son Parti socialiste français s'engagent nettement en faveur du Bloc des gauches et du gouvernement Combes (1902-1905). Jaurès participe à la rédaction de la loi de séparation des Églises et de l'État (décembre 1905). Cependant, Jaurès et les autres socialistes sont déçus par la lenteur des réformes sociales. Le dynamisme du Bloc des gauches s'épuise. Jaurès, vice-président de la Chambre en 1902, n'est pas réélu à cette fonction en 1904. Le rapprochement politique avec un gouvernement « bourgeois » allant jusqu'à la participation gouvernementale est, de plus, condamné par l'Internationale Socialiste.

Manifestation au Pré-Saint-Gervais contre la loi des trois ans (25 mai 1913)- discours de Jean Jaurès

En 1904, Jaurès fonde le quotidien L'Humanité qu'il dirige jusqu'à sa mort. Jaurès sous-titre son journal « quotidien socialiste » et l'utilise pour accélérer l'unité socialiste. Celle-ci est réalisée sous la pression de la Deuxième Internationale au Congrès du Globe (avril 1905) avec la création de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), unifiant les différentes sensibilités socialistes de France.

Jaurès partage la direction de la SFIO avec le marxiste Jules Guesde. La SFIO fait sien le constat de la lutte des classes[15], et s'affirme clairement internationaliste. Pour l'unité, Jaurès a accepté l'abandon du soutien au gouvernement. Mais, il a obtenu des guesdistes l'insertion de la SFIO dans la démocratie parlementaire. Dirigeant politique important, il engage le dialogue avec les syndicalistes révolutionnaires de la CGT. En 1914, la SFIO rassemble 17% des voix et obtient 101 sièges de députés.

Jaurès lutte contre la venue de la guerre les dix dernières années de sa vie. Il est très préoccupé et inquiet face à la montée des nationalismes et par les rivalités entre les grandes puissances (surtout pendant les guerres balkaniques en 1912-1913). En 1910, il rédige une proposition de loi consacrée à l'armée nouvelle dans laquelle il préconise une organisation de la Défense nationale fondée sur la préparation militaire de l'ensemble de la Nation. Il mène une vigoureuse campagne contre la Loi des trois ans de service militaire, défendue ardemment par le député Émile Driant. La loi est votée en 1913 malgré le rassemblement du Pré-Saint-Gervais le 25 mai 1913 où Jaurès fait un discours devant 150 000 personnes.

L'année 1914 semble relancer les espoirs de paix : la guerre dans les Balkans est finie, les élections en France sont un succès pour les socialistes. Mais l'attentat de Sarajevo le 28 juin 1914 et l'ultimatum autrichien à la Serbie du 23 juillet 1914 relancent les tensions entre les grandes puissances.

Jaurès tente d'infléchir dans un sens favorable à la paix la politique gouvernementale. Il rappelle le mot d'ordre de grève générale décidé par l'Internationale ouvrière en cas de déclenchement de la guerre.

Le pacifisme de Jaurès le fait haïr des nationalistes. Le 31 juillet 1914, sortant de son travail à L'Humanité, Jaurès se rend au Café du Croissant à 21H40 où il est assassiné par Raoul Villain, un étudiant nationaliste.

Cet assassinat facilite le ralliement de la gauche, y compris de beaucoup de socialistes qui hésitaient, à l'« Union sacrée ». La grève générale n'est pas déclarée.

Le 29 mars 1919, le meurtrier de Jaurès sera acquitté dans un contexte de fort nationalisme.

Le socialisme de Jean Jaurès mêle le marxisme aux traditions révolutionnaires et républicaines françaises. Le socialisme de Jaurès est souvent qualifié d'«humaniste» avec ses références constantes à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la Révolution française dont il fut l'historien.

Jaurès retient du marxisme l'idée du danger de la concentration capitaliste, la théorie de la valeur et la nécessité de l'unité du prolétariat. Jaurès est évidemment favorable à des lois de protection sociale. Il souhaite aussi une collectivisation volontaire et partielle. Il veut la démocratisation de la propriété privée et non sa destruction et il est attentif aux mouvements coopératifs (Verrerie ouvrière d'Albi).

Socialiste, Jaurès dénonce le contraste entre l’énorme misère du prolétariat industriel et l’insensibilité sociale de la bourgeoisie. Pendant une longue époque du dix-neuvième siècle, la défense égoïste de ses privilèges a poussé la bourgeoisie à vouloir imposer le silence au prolétariat en lui interdisant le droit de grève et le droit syndical (qui ne sera reconnu qu'en 1884). Dans son livre intitulé Jean Jaurès, un combat pour L'Humanité, Pascal Melka montre en quels termes Jaurès dénonce cette situation dans sa plaidoirie au procès qui a opposé en 1894 le journaliste Gérault-Richard au Président de la République Casimir Périer :

« Et vous vous étonnez de la véhémence de nos paroles, de la force de nos accusations! Mais songez donc que nous parlons au nom d’un siècle de silence! Songez donc qu’il y a cent ans il y avait dans ces ateliers et dans ces mines des hommes qui souffraient, qui mouraient sans avoir le droit d’ouvrir la bouche et de laisser passer, en guise de protestation, même leur souffle de misère : ils se taisaient. Puis un commencement de liberté républicaine est venu. Alors nous parlons pour eux, et tous leurs gémissements étouffés, et toutes les révoltes muettes qui ont crié tout bas dans leur poitrine comprimée vibrent en nous, et éclatent par nous en un cri de colère qui a trop attendu et que vous ne comprimerez pas toujours. »

Jaurès conçoit, par ailleurs, le passage au socialisme dans le cadre de la République parlementaire. Attaché aux traditions républicaines françaises, il n'est cependant pas centralisateur (comme le montrent ses idées sur l'enseignement des langues régionales[16]).

Jaurès fréquente des amis sans distinction d’origine, de race ou de religion. Il est possible de relever un prompt dédain à l’égard des menées antisémites de socialistes : dès 1890, comme le relève Jórdi Blanc, il les dénonce comme de « faux socialistes », socialistes « de château et de sacristie », et les qualifie en termes particulièrement sévères : « charlatans de la réaction et du boulangisme », « singes malfaisants ». De même, Drumont, l’auteur à succès en 1886 de La France juive, est constamment moqué par Jaurès, qui l’appelle par antiphrase « psychologue de génie » ou « profond sociologue » et le prend manifestement et régulièrement pour un vrai imbécile. Il avait condamné le racisme et l’antisémitisme dès le 2 juin 1892, dans son article de La Dépêche de Toulouse intitulé : «La question juive».

Je n’ai aucun préjugé contre les Juifs : j’ai peut-être même des préjugés en leur faveur, car je compte parmi eux, depuis longtemps, des amis excellents qui jettent sans doute pour moi un reflet favorable sur l’ensemble d’Israël. Je n’aime pas les querelles de race, et je me tiens à l’idée de la Révolution Française, si démodée et si prudhommesque qu’elle semble aujourd’hui : c’est qu’au fond il n’y a qu’une race, l’humanité.

Par ailleurs, dans ce même article, Jaurès, qui est profondément religieux, insiste sur les racines juives du socialisme, écrivant notamment ceci :

D’ailleurs, la race juive est par certains côtés très grande : c’est le prophétisme juif qui a fondé l’idée du droit et de l’universelle solidarité; il a rêvé la fraternité de tous les hommes, la fraternité même des hommes et des bêtes, le lion couchant sur la paille fraîche à côté de l’agneau; il a affirmé le droit et prêché, au profit des spoliés, la révolution sociale, si bien que c’est surtout dans le prophétisme juif qu’on peut trouver la condamnation de la finance juive; et il n’est pas aussi étrange qu’il paraît d’abord que ce soient des socialistes d’origine juive, Lassalle et Marx, qui aient fait la critique la plus puissante et la plus âpre du capital.

Cette critique de l'antisémitisme, présente dès 1892, poussera Jaurès à devenir viscéralement dreyfusard.

En 1917, Léon Trotski écrit un éloge de Jean Jaurès qu'il conclut par ces mots : « Jaurès, athlète de l'idée, tomba sur l'arène en combattant le plus terrible fléau de l'humanité et du genre humain : la guerre. Et il restera dans la mémoire de la postérité comme le précurseur, le prototype de l'homme supérieur qui doit naître des souffrances et des chutes, des espoirs et de la lutte »[17].

À l'issue de la « Grande Guerre » et de ses massacres, de nombreuses communes françaises baptisent des rues et des places en l'honneur de celui qui fut un grand défenseur de la paix. A Castres, sa ville natale, le collège où il étudia porte également son nom. De plus, la principale place de la ville qui s'appelait "Place Nationale" a été rebaptisé "Place Jean Jaurès" en 1920. Deux stations du métro de Paris (Jaurès et Boulogne — Jean Jaurès) portent aussi son nom : la première fut ainsi en urgence baptisée dès le 1er août 1914 en remplacement du nom rue d'Allemagne. Une station du métro toulousain, du Métro de l'agglomération de Lille et une station du Métro de Lyon portent aussi son nom. De nombreuses écoles et de nombreux collèges et lycées portent également son nom.

En 1924, la décision du transfert de la dépouille de Jean Jaurès au Panthéon est l'occasion pour le gouvernement du Cartel des gauches qui vient d'être élu de se donner un ancrage symbolique tout en rendant hommage à celui qui a tenté d'empêcher la guerre. Le dimanche 23 novembre 1924, sa dépouille est conduite au Panthéon lors d'une grandiose cérémonie à laquelle participent les mouvements politiques de gauche, excepté le Parti communiste français, exclu de la cérémonie officielle, qui organise sa propre manifestation et proteste contre la « récupération » de Jaurès.

Le 21 mai 1981, François Mitterrand, nouvellement élu Président de la République se rend au Panthéon et s'incline devant la tombe de Jaurès, puis de Victor Schoelcher et de Jean Moulin.

Le Parti socialiste a choisi d'appeler sa fondation politique, la Fondation Jean-Jaurès.

La chanson de Jacques Brel intitulée Jaurès (1977), reprise par la suite par Manu Dibango puis par Francesca Solleville, Zebda et Erik Marchand, rappelle à quel point l'homme politique était devenu une figure mythique des classes populaires. En 2005, un téléfilm lui est consacré : Jaurès, naissance d'un géant, de Jean-Daniel Verhaeghe avec Philippe Torreton et Valérie Kaprisky. De nombreuses statue de Jean Jaurès ont été érigées dans les villes de Castres, Carmaux, Suresnes...

L'artiste Jihel a rendu de nombreux hommages à Jean Jaurès au travers de dessins qui se trouvent pour la plupart au Centre National et Musée Jean Jaurès à Castres, il s'y réfère entre autres dans sa série Ciment de l'histoire.

Aujourd'hui, la mémoire de Jaurès ne suscite que peu de rejet[18]. Cependant, dans les années qui ont suivi sa mort, la mémoire de Jaurès fut poursuivie par la haine de la droite nationaliste (contremanifestation lors de son entrée au Panthéon). Jaurès fut aussi parfois critiqué comme trop bourgeois (la communion de sa fille lui fut reprochée) et trop réformiste par une partie de la Gauche révolutionnaire[19].

  • Les Preuves (1898, sur l'Affaire Dreyfus)
  • Études socialistes
  • Vers la république sociale
  • Histoire socialiste de la Révolution française
  • Préface à “L'Application du système collectiviste” de L. Deslinières (1898)
  • Les Deux Méthodes (1900)
  • Comment se réalisera le socialisme ? (1901)
  • Notre but (1904)
  • La Révolution russe (1905)
  • La guerre franco-allemande 1870-1871 (1907)
  • L'Alliance des peuples
  • Conflit élargi (1912)
  • L'Armée Nouvelle (1910)
  • Discours de Vaise (1914)
  • Le discours à la jeunesse' (1904)
  • Louis XVI (Tallandier, 2005) : extraits de l'Histoire socialiste de la Révolution française ; édition présentée par Max Gallo et mise au point par Lorraine de Plunkett
  • Œuvres, 5 volumes parus depuis 2000 (17 prévus), Fayard.
  • Jaurès, l'intégrale des articles de 1887 à 1914 publiés dans La Dépêche (Privat, 2009), édition mise au point par Rémy Pech, Rémy Cazals, Jean Faury, et Alain Boscus

Articles connexes
Liens externes
Bibliographie[20]
  • Louis Soulé, La Vie de Jaurès, Toulouse, Librairie de la Dépêche, 1917
  • Henri Guillemin, L'arrière-pensée de Jaurès, Paris, Gallimard, 1966, 234 pages
  • François Fonvieille-Alquier, Ils ont tué Jaurès !, Paris, Robert Laffont, 1968
  • Harvey Goldberg, Jean Jaurès, la biographie du fondateur du parti socialiste français Trad. de l'anglais par Pierre Martory, Paris, Fayard, 1970
  • Jean Rabaut, Jean Jaurès, Paris, Perrin, 1981 (ISBN 2-260-00239-0)
  • Max Gallo, Le grand Jaurès, Paris, Robert Laffont, 1984
  • Jean Sagnes, Jean Jaurès et le Languedoc viticole, Presses du Languedoc/Max Chaleil Éditeur, 1988
  • Madeleine Rebérioux, Jaurès : la parole et l'acte, Gallimard, 1994
  • Bruno Antonini, État et socialisme chez Jean Jaurès, L'Harmattan, 2004
  • Jean Jaurès, Pour la Laïque, Éditions Le Bord de l'eau, coll. Bibliothèque républicaine, (2006) (ISBN 2911803868)
  • Jean-Pierre Rioux, Jean Jaurès, Paris, Perrin, 2005, 326 pages
  • Pascal Melka, Jean Jaurès, un combat pour L'Humanité, éditions La Compagnie Littéraire, 2010
  • Charles Silvestre, ill. Ernest Pignon-Ernest, Jaurès, la passion du journaliste, éd. Le Temps des c(e)rises, coll. « Petite Collection rouge », 2010 (ISBN 9782841098491)
  • Didier Daeninckx, "Jean Jaurès : Non à la guerre"
  • Stefan Zweig, Jaurès in "Hommes et destins", Paris, Belfond, 1999
  • Rémy Pech, Jean-Michel Ducomte, Jaurès et les radicaux : une dispute sans rupture, Toulouse, Privat, 2011
  • Rémy Pech, Jaurès paysan, Toulouse, Éditions Privat, 2009 (ISBN 978-2-7089-6894-3)
Filmographie

Notes et références

  1. Jules Jaurès est dit fabricant sur son acte de mariage, négociant sur l'acte de naissance de Jean, et propriétaire sur celui de Louis (Archives Départementales du Tarn)
  2. Rémy Pech, Jaurès paysan, Privat, 2009.
  3. Extrait du Journal du Tarn du 20 juillet 1918 [archive]
  4. Acte du jugement du tribunal de la Seine du 16 juin 1922, retranscrit le 31 août 1922 [archive]
  5. Voir Louis Guitard, Mon Léon Blum, ou Les défauts de la statue, Régirex-France, 1983, 309 pages, p. 240 (ISBN 2904392017), ou Madeleine Rebérioux, Gilles Candar, Jaurès et les intellectuels, éditions de l'Atelier, 1994, 326 pages, p. 241 (ISBN 2708230670).
  6. voir Tableau d'honneur de la Grande Guerre, éd. archives & culture, 2000, t. II, p. 641.
  7. Il est élu parmi 6 candidats en lice, avec 48 067 voix sur 93 932 votants (51 %).
  8. En latin [archive]
  9. a et b Séance du 30 avril 1894, discours [archive] de Jean Jaurès, sur le site de l'Assemblée nationale.
  10. Harvey Goldberg, The Life of Jean Jaures, University of Wisconsin Press, 1962 (ISBN 9780299025649), p. 121–122
  11. Discours du 24 décembre 1894; voir l'article des études jaurésiennes sur Jaurès et l'antisémitisme [archive]
  12. Paul Seff, De l'affaire Dreyfus au Front National : radiographie d'une idéologie fasciste à la française, Conférence du Grep-mp, Parcours 19-20, 8 décembre 1998 : « [L'affaire Dreyfus] sera le signal de l'entrée en force de l'extrême-droite dans l'arène politique : orchestré par la majeure partie du clergé catholique, par la presse catholique soutenant le parti de la restauration monarchiste, l'extrême-droite déchaîne une campagne anti-républicaine, anti-parlementaire et antisémite d'une violence qui étonne encore les historiens d'aujourd'hui » en ligne sur le site du Grep [archive]
  13. Jean-Jacques Becker, Stéphane Audoin-Rouzeau, La France, la nation, la guerre, 1850-1920, éd.Sedes, 1995, notice sur le site CRDP de l'académie d'Amiens [archive], cf note n°5
  14. Cf. « Les deux méthodes » [archive], discours du 26 novembre 1900, reproduit sur dans les Archives marxistes sur Internet.
  15. « De Marx, il [Jaurès] retient surtout l'analyse de la lutte des classes qui fonde son propre socialisme. » Becker, J.-J. & Candar, G. (dir.), Histoire des gauches en France, La Découverte, 2004, tome I, p. 438.
  16. En 1911, Jaurès acquiert la conviction que les langues régionales doivent être enseignées dans les écoles ce qu'il propose dans deux articles (« L'éducation populaire et les "patois" », La Dépêche, 15 août 1911 et «Méthode comparée», Revue de l'enseignement primaire, 15 octobre 1911 [1] [archive]. Il propose de s'appuyer sur les connaissances linguistiques des enfants occitans, basques et bretons pour comparer les langues régionales au français et ainsi développer leur jugement, leur raisonnement.
  17. Article de 1917 traduit en français dans le Bulletin communiste (organe de la SFIC), n⁰47, 22 novembre 1923 (réédité dans les Cahiers du mouvement ouvrier [archive], n⁰23, 2004).
  18. au point d'être utilisée à droite par Nicolas Sarkozy pendant l'élection présidentielle de 2007, voire à l'extrême-droite, lors des élections européennes dans le Sud-Ouest de la France
  19. à l'instar de Charles Rappoport Le discours de Jaurès, 1903 [2] [archive]ou Georges Sorel, cf. les Réflexions sur la violence
  20. Voir aussi le catalogue thématique [archive] d'une librairie de Montpellier. (.pdf)


Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s'appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grand-parents
Entre l'absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d'être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendres
Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître
    Refrain
    Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
    Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves
De là à dire qu'ils ont vécu
Lorsque l'on part aussi vaincu
C'est dur de sortir de l'enclave
Et pourtant l'espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux cieux
Des quelques ceux qui refusaient
De ramper jusqu'à la vieillesse
Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur

Si par malheur ils survivaient
C'était pour partir à la guerre
C'était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelque sabreur
Qui exigeait du bout des lèvres
Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur
Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui notre bon Maître
Couverts de prèles oui notre Monsieur
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l'ombre d'un souvenir
Le temps de souffle d'un soupir

Paroles : Jacques Brel (1929-1978).
Musique : Jacques Brel.
Interprète : Jacques Brel, Zebda.

Au-delà d'un hommage à Jean Jaurès, le texte est une dénonciation de l'exploitation de l'homme et de la guerre.

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