vendredi 11 avril 2014

Comment l’Internet modifie-t-il nos comportements ?



Comment l'Internet modifie-t-il nos comportements ? Tenons-nous en à deux concepts pour étudier
ces changements de paradigme : la Sociabilité et l’Attention.
La Sociabilité
Social TiesLe changement des comportements induit par l’Internet fait débat et divise depuis les années 1990.  Robert D. Putman sociologue américain, créa une première impulsion en 1995 [1] en affirmant un déclin de la sociabilité et du lien social s’illustrant par des études menées sur l’évolution des relations sociales aux Etats-Unis. Il y constate que l’individu sort moins, organise moins de réceptions entre amis ou encore voit moins sa famille, expliqué notamment par le développement des outils offerts par les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Il faudrait déjà s’entendre sur la définition du lien social.
Selon Granovetter [2], sociologue américain de l’Université de Stanford,  le lien social se caractérise par 4 caractéristiques :
-         la quantité de temps passé ensemble
-         l’intensité émotionnelle
-         l’intimité de la relation
-         les services réciproques qui caractérisent le lien.
Alain Degenne et Michel Forsé, sociologues français et Directeurs de Recherche au CNRS, y ajoutent la multiplicité du contenu des échanges [3] [4].
La thèse de Putman a été d’ailleurs contredite par Granovetter montrant que la puissance des réseaux tient plus à la faiblesse qu’à la force de ses liens, permettant aux relations extérieures de le nourrir et de créer autant d’opportunités qui auraient été perdues si le réseau était refermé sur lui-même.
Ainsi :
 « le déclin de la sociabilité, s’il se traduit par une diminution de la densité et de la connexité, c’est-à-dire de la clôture des réseaux de sociabilité, peut avoir pour conséquence le développement de relations de sociabilité plus différenciés, privilégiant les liens faibles plutôt que les liens forts, et donc plus favorables à l’intégration qu’au repli communautariste » [5]
L'Attention
Autre attaque ?  
L’Internet nous rendrait superficiels et nuirait à notre capacité de concentration et de réflexion selon Nicholas Carr, comme illustré dans cette vidéo.
Nicholas Carr est écrivain et avait écrit en 2008 l’article Is Google Making Us Stupid? paru dans The Atlantic. Nicholas Carr décrit un changement de paradigme focalisé sur la modification de nos habitudes de lecture, qu’il déplore.
Is_Google_making_us_StupidDanah Boyd, Directeur de Recherche chez Microsoft Research et Professeur Adjoint en Médias, Culture et Communication à l'Université de New York, envisage les choses sensiblement différemment :
« Pensez à ce que cela signifie d'être ''en flux'' dans un paysage où l'information est donnée par les médias en réseau et vous verrez où le Web 2.0 va nous mener. Le but n'est pas d'être un consommateur passif de l'information ou tout simplement les écouter quand le moment est venu, mais plutôt de vivre dans un monde où l'information est partout. Il faut alors être au courant de l'information périphérique telle qu'elle s'écoule, saisissant la bonne au bon moment quand elle est plus pertinente et utile, divertissante ou perspicace. Il faut vivre avec, dans et autour de l'information. La plupart de ces informations sont des informations sociales, mais certaines d'entre elles sont des informations de divertissement ou des news. Etre dans ce flux de l'information est différent …, car il ne s'agit pas d’avoir une attention parfaite, mais il s'agit de trouver le bon alignement par rapport à un sens recherché, d'être aligné avec l'information. »[6]
C'est précisément la raison pour laquelle VOUS avez été élu personnalité de l’année en 2006, car cette attention est devenue une commodité recherchée, la liberté de l’internaute s’étant accrue et son exigence de trouver le bon alignement élevée.
Danah Boyd envisage cependant une fracture numérique (digital divide) autour de cette notion de l'attention, toute personne n’ayant pas les moyens d’accorder son attention au meilleur contenu, ne serait-ce que pour un simple problème de barrière de langage.
Références
[1] Putnam, Robert. Bowling Alone: The Collapse And Revival Of American Community. New edition. S & S
International, 1995.
[2] Granovetter, M. « The strength of weak ties: A network theory revisited ». Sociological theory 1, no 1 (1983): 201‑33.
[3] De Degenne, Alain, et Michel Forsé. Les réseaux sociaux: une analyse structurale en sociologie. Paris: Colin, 1994.
[4] Flichy, Patrice. « Les réseaux de télécommunications instruments et outils de mesure de la sociabilité ». Flux
n° 62, no 4 (1 décembre 2005): 31‑37.
[5] Mercklé, Pierre. Sociologie des réseaux sociaux. La Découverte, 2004.
[6]  Boyd, Danah. « Streams of content, limited attention: The flow of information through social media ». Educause Review 45, no 5 (2010): 26‑28.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.