dimanche 4 mai 2014

Grandeur et misère du management par objectifs

Il y a plus de dix ans, lorsque le patron d’un grand groupe international affirmait lors d’une interview : « toutes les unités de mon groupe peuvent atteindre leurs objectifs sans que les résultats du groupe soient assurés » , j’avais imaginé qu’il s’agissait d’une lubie d’un patron médiatique. Je n’y avais plus porté attention. Et pourtant depuis cinq ans, lors de mes interventions je suis le témoin de scènes qui questionnent la pertinence du management par objectifs.
Par exemple, les propos du patron sus cité sont repris par des équipes de direction. Les transformations sont si rapides et les pressions concurrentielles tellement exacerbées que les objectifs annuels freinent l’agilité de leurs entreprises, des managers et du personnel.
Plus précisément, j’animais la semaine dernière un séminaire de co développement destiné à des développeurs d’affaires. Ceux ci touchant primes sur objectifs, ils négociaient seuls avec leurs prospects  pour ne pas les partager avec d’autres. Certains étaient sur des affaires « du siècle » capable de générer du travail pour plusieurs années. Alors que je leur suggérais de « mettre dans la boucle » les directeurs régionaux et des chefs de projets. Ils me répondirent qu’il n’en était pas question, ces autres contributeurs risquant de « tirer la couverture à eux.  »
Enfin, j’accompagne des entreprises en situations critiques dont les dirigeants et les top managers veulent mobiliser leurs équipes sur des  » task forces » ou des projets exceptionnels. Et bien un nombre non négligeable de managers intermédiaires et de collaborateurs rechignent en prétextant que cela ne rentre pas dans leurs objectifs.
Mes collègues relatent aussi de telles expériences. Le dogme du management par objectif serait il en train de se fissurer?
Le management par objectifs fut formalisé aux USA par Peter Drucker, après la deuxième guerre mondiale lors d’une phase d’expansion et de décentralisation des grandes entreprises américaines. Octave Gélinier , président de la CEGOS l’adapta en France dans les années 60 en y ajoutant un P : management Participatif par objectifs.Le modèle s’est étendu depuis à toute la planète. Il est maintenant appliqué dans les services publics.
Afin de rendre possible l’accomplissement des buts stratégiques des entreprises, le management par objectif s’est imposé. La déclinaison des objectifs en cascade, de la direction aux collaborateurs en passant par les centres de profits et les services assure en principe la cohérence entre stratégie, management, organisation et travail quotidien. La consolidation de tous ces objectifs partiels est supposée garantir la réussite de l’ensemble.
Les objectifs contribuent aussi à la motivation des managers et collaborateurs. Ils orientent les acteurs vers des buts,ils permettent de se consacrer à l’essentiel de sa fonction, ils réactivent le besoin d’entreprendre et de réussir, ils sont le plus souvent assortis de primes et de récompenses symboliques.
Cette approche a fortement contribué à la compétitivité des entreprises, mais de pratique utile et performante, elle s’est figée en dogme. Tant qu’une démarche managériale reste vivante ,agile et expérimentale elle se révèle efficiente. Mais lorsqu’elle se fige et n’intègre pas les mutations de l’environnement , elle s’instaure en bureaucratie ou technocratie.
Mes propos sont ils exagérés ou vivez vous aussi des effets pervers du management par objectifs?

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