jeudi 8 mai 2014

Réunir quête spirituelle et action sociale

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Le 29 avril dernier, j’étais invité à parler lors d’un colloque organisé par une maison d’édition québécoise très fortement orientée sur les questions de spiritualité et d’ésotérisme. En écoutant le public, très certainement constitué de lecteurs, en observant leurs réactions, il m’est alors apparu une chose : les communautés très engagées dans les questions spirituelles et celles impliquées dans le changement social (souvent farouchement laïques) partagent beaucoup de valeurs. Pourtant elles s’interpénètrent peu.
L’étude sociologique sur les « Créatifs Culturels » menée en France par Jean-Pierre Worms en 2006 mettait déjà en lumière ce paradoxe. Contrairement aux Etats-Unis où avait été conduite la première étude (qui avait fait apparaître ce courant sociologique et les quatre critères qui le définissent : l’ouverture aux valeurs féminines, l’intégration des valeurs écologiques et du développement durable, l’implication sociétale, le développement personnel avec une dimension spirituelle), les instigateurs de l’étude française ont découvert une réelle fracture : 17% de sujets interrogés se retrouvaient dans l’intégralité des critères, et 21% dans tous moins un : spiritualité/développement personnel.
On a coutume de dire que la France, et sa forte tradition laïque, est un pays où la spiritualité est un gros mot. Et pourtant, si l’on regarde les best-sellers des essais que lisent les français (pour ceux qui en lisent !), on trouve régulièrement des personnalités comme Matthieu Ricard, Frédéric Lenoir, Christophe André, Laurent Gounelle ou même Pierre Rabhi, qui n’hésitent pas à affirmer l’importance qu’une forme de spiritualité peut avoir dans leur existence et dans le changement de la société.

La spiritualité ?

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On peut alors se demander si nous ne sommes pas face à un malentendu et ce que l’on entend exactement par spiritualité. Même si l’on a tendance à associer le mot aux religions, la spiritualité est directement liée à l’idée philosophique qu’il existe une réalité faite d’esprit et de matière. Sans développer plus avant et ouvrir le champ des controverses, on peut alors arguer que les tenants de la spiritualité (même s’ils le font de façons très différentes) s’intéressent à la partie la plus immatérielle de notre être : sa conscience, son raffinement, sa capacité à influer sur la réalité matérielle, sa potentielle persistance. Ils prônent en général une forme d’élévation de l’être humain vers des valeurs d’amour, d’altruisme, de partage, de solidarité… Le projet de construire une humanité meilleure fait donc intégralement partie de leurs objectifs, tout comme les militants écologistes, des droits de l’Homme, de l’action sociale, etc.
Peut-être est-il temps, de faire tomber barrières et préjugés, et d’engager un rapprochement entre les mouvements qui croient que la mutation de la société viendra du changement intérieur et ceux qui privilégient la transformation des structures sociales.

Changer et agir vont de pair

Ce rapprochement me semble profondément nécessaire pour plusieurs raisons.
be-the-change-you-wish-to-see-in-the-world La grande majorité des comportements déstructurant socialement ou destructeurs écologiquement sont liés à des névroses et à des compensations. Chercher l’épanouissement des êtres humains ne peut qu’avoir une conséquence immédiatement positive sur les crises que nous traversons.
A contrario, mener une quête spirituelle, sans l’incarner dans des actions concrètes, m’apparaît aujourd’hui incohérent et anachronique. Nous ne pouvons plus nous permettre de nous retirer sur notre montagne. Le temps est à la mobilisation.
L’être humain est insatiable. Sa quête d’absolu est inhérente à la conscience de sa propre mortalité. Un projet de décroissance, de limitation, n’a aucune chance de rencontrer l’adhésion du plus grand nombre s’il n’est accompagné d’un projet de croissance intérieure. Toute la créativité, l’intelligence, la recherche que nous avons investie dans la technologie et le déploiement de notre projet matérialiste pourrait aujourd’hui être consacrée au développement de nos capacités cognitives, relationnelles, à une nouvelle approche de la santé, de l’éducation, à la connaissance et à la compréhension des éco-systèmes, à la culture de la bienveillance, de l’altruisme. Les recherches menées par Matthieu Ricard sur l’impact de la méditation, les avancées dans les neurosciences et particulièrement sur les neurones miroirs, les recherches sur les différentes dimensions de la réalité évoquées notamment par Hubert Reeves et Ervin Laszlo, le travail sur la physique quantique sont autant de champs à explorer, susceptible d’entrainer l’humanité dans la voie de l’équilibre et de l’épanouissement. Et d’associer militants et spiritualistes.
Il nous reste très peu de temps pour agir et il est fort probable que l’action seule ne suffira pas. C’est d’un profond changement de conscience dont nous avons besoin. Et ce changement viendra tant par l’action que par la libération de nos conditionnements.
Par Cyril Dion

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